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La violation des statuts de SAS peut entraîner la nullité de la décision

Soumis par sfournier le mer 05/04/2023 - 12:48

Lettre CREDA-sociétés 2023-07 du 5 avril 2023

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Une violation des dispositions statutaires concernant les décisions collectives d’une SAS peut être sanctionnée par la nullité si elle est de nature à influer sur le résultat du processus de décision. Les autres sociétés ne sont pas concernées par la règle posée (Cass. com., 15 mars 2023, n° 21-18.324).

Les faits concernent la SAS Larzul, déjà sujet d’un retentissant arrêt en 2010 (Com., 18 mai 2010, n° 09-14.855, Larzul,) mais différaient. L’associé unique de la SAS Larzul, la société Vectora conclut un accord avec la société UGMA et son actionnaire (la société FDG) pour augmenter le capital de la SAS par voie d’apports en numéraire et en nature à leur bénéfice ; augmentation assortie de la cession d’actions de la société Larzul par Vectora au bénéfice de la société FDG. Un arrêt irrévocable a, en 2012, annulé la délibération approuvant l’augmentation de capital. La société FDG, soutenant avoir été privée de ses droits d’associé depuis cette date, a sollicité l’annulation de toutes les décisions collectives subséquentes.

L’arrêt d’appel prononce la nullité de certaines de ces délibérations, mais au visa des art. L. 223-28 et -29 C. com, et non des dispositions applicables aux SAS, ce qui suffit à entraîner la cassation. Cela ne nous retiendra pas davantage.

Le pourvoi indiquait surtout que l’art. L. 227-9 C. com. énonce que les statuts précisent lesquelles des décisions de la SAS font l’objet d’une décision collective. De la sorte, aucune disposition impérative n’aurait été violée et la nullité ne serait pas encourue, en vertu de l’art. L. 235-1 C. com. La Cour de cassation prend le temps de rejeter l’argument au terme d’une motivation particulièrement détaillée, ce qui est de loin le plus important en l’espèce.

 

publications

 

Pour commencer, « l’organisation et le fonctionnement de la société par actions simplifiée relèvent essentiellement de la liberté statutaire. Il en découle que le respect des dispositions statutaires qui, conformément à l’article L. 227-9, alinéa 1er, du code de commerce, déterminent les décisions qui doivent être prises collectivement par les associés et les formes et conditions dans lesquelles elles doivent l’être, est essentiel au bon fonctionnement de la société et à la sécurité de ses actes. Or, les limitations apportées par cette jurisprudence à la possibilité de voir sanctionner par la nullité la méconnaissance de ces dispositions statutaires conduisent à ce que leur violation ne puisse être sanctionnée ».

Par suite, « ces considérations conduisent la Cour à juger désormais que l’alinéa 4 de l’article L. 227-9 du code de commerce, institué afin de compléter, pour les sociétés par actions simplifiées, le régime de droit commun des nullités des actes ou délibérations des sociétés, tel qu’il résulte de l’article L. 235-1, alinéa 2, du code de commerce, doit être lu comme visant les décisions prises en violation de clauses statutaires stipulées en application du premier alinéa et permettant, lorsque cette violation est de nature à influer sur le résultat du processus de décision, à tout intéressé d’en poursuivre l’annulation ».

Dont acte, dans les SAS, la méconnaissance des règles statutaires régissant les décisions collectives peut entraîner la nullité de la décision à la condition que cette méconnaissance soit de nature à influer sur le processus de décision.

La pertinence de la règle peut tout d’abord être débattue, ainsi que sa portée.

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n° 2023-07 du 5 avril 2023

lettre creda sociétés 2023 07

 

Le bien-fondé

On le sait, l’arrêt Larzul énonçait que « sous réserve des cas dans lesquels il a été fait usage de la faculté, ouverte par une disposition impérative, d’aménager conventionnellement la règle posée par celle-ci, le non-respect des stipulations contenues dans les statuts ou dans le règlement intérieur n’est pas sanctionné par la nullité ». Mais il faisait l’objet de critiques concernant le domaine de la règle posée et sa justification.

Concernant le domaine, la notion de règle impérative aménageable est extrêmement floue. Ainsi, les règles de majorité concernant l’agrément dans les SARL rentrent-elles dans cette catégorie (Com., 10 févr. 2015, n° 13-25.588), ainsi que, semble-t-il, l’anc. art. 1844 C. civ. concernant la répartition des droits de vote entre usufruitier et nu-propriétaire (Com., 13 janv. 2021, n° 19-13.399). Les règles posées par l’art. 1836 al. 1 C. civ. (Cass. 3e civ., 8 juill. 2015, n° 13-14.348) et l’art. 1852 du même Code (Cass. 3e civ., 5 janvier 2022, n° 20-17.428) ont également été reconnues comme étant des dispositions impératives aménageables au sens de l’arrêt Larzul. Il est difficile de ne pas voir pourtant, dans ces deux dernières règles, des dispositions supplétives…. mais n’est-ce pas le cas de bien des dispositions impératives aménageables ?

La règle posée fonde sa légitimité sur le fait que les dispositions statutaires, quand elles aménagent une disposition impérative, ont, selon les mots d’Alexis Constantin, une « impérativité d’emprunt ». Par contraste, la violation de « simples » dispositions statutaires ne saurait entraîner une quelconque nullité. La règle peut être justifiée, malgré les critiques, par les limitations apportées aux nullités sociétaires par les art. L. 235-1 C. com. et 1844-10 C. civ.

Cependant, il était possible de soutenir qu’il faudrait sanctionner la violation des statuts dans les SAS avec plus de force que dans les autres sociétés, car ils ont une place prépondérante pour l’organisation de ces premières. De plus, la formulation de l’art. L. 227-9 C. com. pourrait faire penser qu’il contient une disposition impérative aménageable. Néanmoins, la Chambre commerciale a affirmé que ce n’était pas le cas (Com. 26 avr. 2017, n° 14-13.554).

Ce dernier arrêt est cité dans celui sous commentaire, justement pour préciser que la Chambre commerciale ne voit toujours pas dans l’art. L. 227-9 C. com. une disposition impérative aménageable (pt 14). La raison du revirement vient du fait que le respect des statuts « est essentiel au bon fonctionnement de la société et à la sécurité de ses actes » et que leur violation doit être sanctionnée per se, sur le fondement du dernier alinéa de l’art. L. 227-9 C. com.

La Cour circonscrit la portée de sa solution aux SAS, dans lesquelles il faudra désormais caractériser seulement une violation des statuts de nature à influer sur le résultat du processus de décision. Adieu donc, dans ce cadre, l’arrêt Larzul, au profit d’une impérativité des statuts de SAS. À l’inverse, dans les autres sociétés, il s’applique toujours, et il faudra vérifier qu’une disposition impérative aménagée a été violée pour obtenir la nullité de la décision.

N’aurait-il pas été plus simple d’admettre que l’art. L. 227-9 C. com. était une disposition impérative aménageable ? Ou, inversement, ne fallait-il pas abandonner totalement l’arrêt Larzul au profit d’une nullité pour violation des statuts dans toutes les formes sociales ? Car le respect des statuts n’est pas plus important dans les SAS qu’ailleurs a priori. Même si elles se distinguent par leur souplesse, ce caractère ne devrait pas faire varier la force obligatoire des statuts. Le respect des statuts n’est-il pas essentiel au bon fonctionnement de la société dans toutes les sociétés ? On sait par exemple que les SNC, bien que moins usitées, régissent tout autant leur fonctionnement par les statuts que les SAS, voire davantage.

Si le bien-fondé de cette règle peut donc être contesté, sa portée aussi.

La portée

Une chose semble certaine : ce sont les modalités statutaires de prise de décisions (comment prendre la décision ?) qui sont concernées mais également le domaine statutaire des décisions (quelles décisions doivent être collectives ?). La violation de ces deux types de stipulations sera sanctionnée par la nullité.

Les juges restreignent néanmoins le champ de la nullité par le biais du critère de l’influence de la violation sur le processus de délibération, qui ne brille pourtant pas par sa clarté. Cette nullité est en outre facultative et sera ainsi doublement restreinte : elle ne sera pas prononcée si la violation n’est pas de nature à influer sur le résultat de la décision ou si le juge, constatant qu’elle a cet effet, choisit néanmoins de ne pas la prononcer.

Au-delà, la règle posée confirme la préférence des juges de cassation commerciaux pour les statuts de SAS… au risque de revenir sur certaines interprétations. Car, il y a peu, la même chambre avait énoncé, dans une affaire concernant une SAS, que « si les actes extra-statutaires peuvent compléter les statuts, ils ne peuvent y déroger » (Com., 12 oct. 2022, n° 21-15.382). Nous avions cru y voir une affirmation générale selon laquelle les statuts primeraient toujours sur les actes extra-statutaires, mais peut-être la règle était-elle dictée par la forme sociale ; ce qui serait révélé par la faveur faite aux statuts de SAS dans le présent arrêt. Affaire à suivre donc.

 

Jean-Baptiste BARBIÈRI
Maître de conférences, Université Paris-Panthéon-Assas

 


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Les études de l'Observatoire consulaire des entreprises en difficulté (OCED)

Soumis par sfournier le ven 31/03/2023 - 13:14
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Concilier pérennité de l'activité et préservation de l'emploi

L'OCED a engagé une étude sur l'articulation entre le droit des procédures collectives et le droit du travail. Cette démarche a pour origine des remontées de terrain des praticiens des procédures collectives soulignant une disjonction entre ces deux droits, qui tient fondamentalement à leur différence de raison d’être.

Selon cette étude, réconcilier droit des procédures collectives et droit du travail appelle un certain nombre d’arbitrages articulés autour de plusieurs exigences.

janvier 2017

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Ordonnance portant adaptation du droit français au règlement relatif aux procédures d'insolvabilité

L’ordonnance portant adaptation du droit français au règlement (UE) n° 2015/848 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015 relatif aux procédures d'insolvabilité, a été adoptée le 2 novembre 2017 et publiée au Journal Officiel le 3 novembre 2017.

Le règlement n°2015/848 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015 relatif aux procédures d’insolvabilité, est entré en vigueur le 26 juin 2017 dans les Etats membres.

Afin de « faciliter la mise en œuvre des innovations du règlement révisé, d’assurer son effet utile et de permettre aux juridictions et aux praticiens d’agir avec célérité dans ces affaires d’insolvabilité souvent complexes, où les enjeux économiques et sociaux imposent une réactivité exemplaire », un titre IX dédié aux procédures d’insolvabilité transfrontalières est, par cette ordonnance, intégré au livre VI du Code de commerce.

Parmi les 34 nouveaux articles ainsi insérés, cinq innovations majeures méritent d’être signalées.

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Proposition de directive relative aux cadres de restructuration préventifs et à la seconde chance

Le 22 novembre 2016, la Commission européenne a publié une proposition de directive relative aux cadres de restructuration préventifs, à la seconde chance et aux mesures à prendre pour augmenter l'efficience des prodédures.

La proposition de directive s'attache à atteindre un niveau minimal d’harmonisation autour de trois axes :  

  • Élaborer un cadre souple et efficace à la restructuration précoce d’entreprises viables qui connaissent des difficultés financières ;
  • Donner la possibilité pour les entrepreneurs honnêtes d’avoir une seconde chance ;
  • Mettre en place des mesures visant à accroître l’efficience des procédures collectives.

Lire l'étude

 

 

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Tableau de bord départemental de Paris - 2022

Soumis par npagnoux le mer 29/03/2023 - 09:57
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3ème trimestre 2022

Dans un contexte incertain, l’économie parisienne fait preuve de résilience

Au 3e trimestre 2022, la capitale a fait montre de sa capacité de résilience malgré l’inflation, l’accroissement des prix de l’énergie et des matières premières, etc.

Ainsi, les créations d’entreprises ont continué à avoir le vent en poupe à Paris au 3e trimestre 2022 même si le nombre de défaillances d’entreprises a parallèlement augmenté. Dans le même temps, le taux de chômage est resté stable à 5,7 % tandis que l’emploi salarié a de nouveau fortement crû.

L’été 2022 a par ailleurs été très favorable à l’activité touristique parisienne grâce à une affluence qui a dépassé les niveaux d’avant la pandémie ; la construction d’immobilier d’entreprise a, en revanche, marqué le pas.

Mars 2023

2ème trimestre 2022

L’économie parisienne continue de reprendre des couleurs

Les indicateurs conjoncturels sont globalement restés favorables pour Paris au 2e trimestre 2022. Ainsi, les créations d’entreprises se sont stabilisées à un niveau élevé. Parallèlement, le taux de chômage parisien s’est établi à 5,7% tandis que l’emploi salarié a poursuivi sa dynamique de croissance. Le volume des défaillances d’entreprises est certes orienté à la hausse (+ 35,9 % par rapport au 2e trimestre 2021) mais il reste très inférieur aux volumes observés en 2019 ; ce rebond des défaillances s’explique par le fait que les entreprises doivent à la fois rembourser les prêts garantis pas l’Etat (PGE) et faire face à la crise énergétique. Le retour des touristes à Paris est quant à lui confirmé : la fréquentation des hôtels parisiens a retrouvé les niveaux de 2019.

Novembre 2022

1er trimestre 2022

Des indicateurs économiques globalement au vert à Paris début 2022

Les indicateurs de l’économie parisienne se sont avérés favorables au 1er trimestre 2022.

Les créations d’entreprises sont restées très dynamiques à Paris, à des niveaux proches des points hauts de début 2021.

Parallèlement, l nombre de défaillances d’entreprises s’est maintenu à des niveaux planchers malgré un léger rebond au cours du trimestre. Le taux de chômage s’est établi à 5,8 % et le niveau de l’emploi a pour la première fois dépassé la barre de 1,9 million d’emplois à Paris grâce à des créations continues et soutenues ces derniers mois (14 252 emplois supplémentaires au 1er trimestre 2022).

Si la fréquentation touristique est restée en deçà des niveaux de 2019, un retour croissant des touristes a été observé au fur et à mesure du 1er trimestre 2022.

Septembre 2022

 

Auteurs : Mickaël LE PRIOL, Sophie LAUNAY

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3e trimestre 2022
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Une société civile n’est pas engagée par le prêt de nature à compromettre son existence

Soumis par sfournier le mer 29/03/2023 - 07:33

Lettre CREDA-sociétés 2023-06 du 29 mars 2023

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"Les actes accomplis par le gérant ne peuvent engager la société si, étant de nature à compromettre son existence même, ils sont contraires à l’intérêt social, y compris lorsqu’ils entrent dans son objet statutaire". La formule n’est pas nouvelle ; mais pour la première fois, dans un arrêt du 11 janvier 2023, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, dépassant le seul cadre de la garantie de la dette d’autrui, l’applique au prêt souscrit par le gérant d’une SCI (Cass. 3e civ., 11 janv. 2023, n° 21-22.174, F-D).

Depuis 2008, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, suivie avec quelques nuances par la chambre commerciale, considère que la société civile n’est pas engagée par la sûreté octroyée en garantie de la dette d’autrui, et spécialement d’un associé, dès lors que, étant de nature à compromettre son existence même, elle est contraire à l’intérêt social. Si cette solution est applicable aux sociétés de personnes, elle est en revanche écartée en présence d’une société de capitaux relevant du champ d’application de la directive (UE) 2017/1132 du 14 juin 2017. Il en a été jugé ainsi à propos d’une SARL et d’une SAS. Outre l’influence de la directive, l’absence de transposition de cette jurisprudence aux sociétés commerciales à responsabilité limitée s’explique également par la différence des pouvoirs du représentant légal pour engager la société et à la qualification de convention interdite, sanctionnée par la nullité, des garanties et prêts octroyés par la société aux associés personne physique.

L’accueil, par une partie de la doctrine, de la jurisprudence relative aux sociétés de personnes est extrêmement réservé. Trois principaux reproches sont généralement formulés à son encontre : l’absence de fondement textuel, le recours à la notion « insaisissable » d’intérêt social et une atteinte à la sécurité juridique des transactions. Par cet arrêt du 11 janvier 2023, la Cour de cassation ne paraît pas avoir été convaincue par ces différents arguments – mais peut-être parce qu’ils ne sont pas toujours convaincants – et va même plus loin – tout du moins en apparence – en écartant la validité même du prêt souscrit par la société.

Contexte de la solution

publications

 

Dans la présente affaire, une SCI a été constituée en 2004 par deux associés, le minoritaire ayant été désigné gérant. La société fit alors l’acquisition d’un bien immobilier. En 2007, par l’emploi de manœuvres frauduleuses, le gérant de la SCI obtint d’une banque – dont on apprend dans l’arrêt d’appel qu’elle déposa par la suite plainte contre le gérant – un prêt relais d’un montant de 384 000 euros garanti par une inscription d’hypothèque sur le bien immobilier de la SCI. Quelques années après, les échéances du prêt n’ayant pas été réglées, la banque engagea une procédure de saisie immobilière à l’encontre de la SCI. L’associé majoritaire fut alors désigné en qualité de nouveau gérant car il reprochait à l’ancien gérant d’avoir souscrit le prêt à son insu et d’avoir détourné les fonds prêtés à son profit.

La SCI assigna donc la banque en nullité ou en déclaration d’inopposabilité du prêt et des actes subséquents tels que l’inscription d’hypothèque. Accueillie en première instance, cette demande fut rejetée par un arrêt du 1er juillet 2021 de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence. Trois arguments furent retenus pour écarter la demande : 1) il n’était pas établi que la banque avait eu connaissance de la fraude du gérant lors de la conclusion du prêt ; 2) le prêt avait été conclu avec le gérant régulièrement désigné et cette opération entrait « dans l’objet social défini par les statuts » ; 3) les dispositions du droit des sociétés se référant à l’intérêt social concernent les seuls rapports entre associés.

La SCI a alors formé un pourvoi dans lequel elle considère, notamment, que la société ne pouvait pas être engagée par l’acte du gérant, détournant son pouvoir dans son intérêt personnel, qui était de nature à compromettre l’existence de la SCI et était donc contraire à l’intérêt social. Le demandeur de pourvoi invoquait donc la jurisprudence relative à la nullité des garanties de la dette d’autrui octroyées par une société.

Énoncé de la solution

 Téléchargez la lettre Creda-Sociétés n° 2023-06 du 29 mars 2023

Lettre 2023-05

 

Au visa de l’article 1849, alinéa 1er, du Code civil, la troisième chambre civile casse l’arrêt d’appel. Dans un premier temps, la Cour de cassation rappelle le contenu de ce texte, lequel énonce que, « dans les rapports avec les tiers, le gérant engage la société pour les actes entrant dans l’objet social ». Prolongeant l’interprétation de ce texte, la Cour précise, ce qui constitue l’ « attendu » de principe, que « les actes accomplis par le gérant ne peuvent engager la société si, étant de nature à compromettre son existence même, ils sont contraires à l’intérêt social, y compris lorsqu’ils entrent dans son objet statutaire ».

Dans un second temps, elle reproche à la cour d’appel en s’étant déterminée ainsi, « sans rechercher, comme il le lui était demandé, si le prêt souscrit n’était pas contraire à l’intérêt social de la SCI, eu égard au montant de l’emprunt et à l’inscription hypothécaire prise sur son seul immeuble », de ne pas avoir donné de base légale à sa décision.

L’arrêt d’appel est donc cassé car les juges du fond n’ont pas vérifié que l’une des conditions d’application de l’article 1849 du Code civil était remplie. Autrement dit, pour déterminer si le gérant avait commis un dépassement de pouvoir, les juges auraient dû vérifier si le prêt, en compromettant l’existence de la société, n’était pas contraire à l’intérêt social, peu important qu’il entre dans son objet statutaire.

Le fondement de la sanction : le dépassement de pouvoir

Le visa de l’article 1849, auquel se réfère systématiquement la troisième chambre civile, apporte un éclairage précieux sur la jurisprudence relative à la nullité des actes compromettant l’existence d’une société. En appliquant ce texte, la Cour qualifie ces actes, non comme un détournement de pouvoir, mais comme un dépassement de pouvoir. Il s’ensuit que l’argument de la Cour d’appel selon lequel la banque n’avait pas connaissance de la fraude lors de la souscription du prêt est inopérant. En effet, la qualification de dépassement de pouvoir écarte l’application de l’article 1157 du Code civil énonçant que « lorsque le représentant détourne ses pouvoirs au détriment du représenté, ce dernier peut invoquer la nullité de l’acte accompli si le tiers avait connaissance du détournement ou ne pouvait l’ignorer ». De même, l’article 1849 déroge à l’article 1156 selon lequel « l’acte accompli par un représentant sans pouvoir ou au-delà de ses pouvoirs est inopposable au représenté, sauf si le tiers contractant a légitimement cru en la réalité des pouvoirs du représentant, notamment en raison du comportement ou des déclarations du représenté ». La connaissance du tiers du dépassement de pouvoir du gérant est sans incidence sur la validité de l’acte.

La référence à l’article 1849 du Code civil permet en outre d’écarter l’argumentation selon laquelle cette jurisprudence ne reposerait sur aucun fondement textuel. De même, la modification du troisième alinéa de l’article 1844-10 du Code de civil opéré par la loi PACTE ne devrait pas remettre en cause la présente jurisprudence rendue dans des affaires antérieures à son entrée en vigueur. En effet, même si cette réforme écarte la nullité des actes et délibérations sociales – mais cela concerne-t-il les actes externes ? – contraires au deuxième alinéa de l’article 1833 du même code, précisant que « la société est gérée dans son intérêt social », l’article 1849 constitue un texte plus spécial dérogeant à cette disposition. Aussi, et surtout, le visa de cet article ne place pas le débat sur le terrain de la nullité, mais sur celui de l’engagement de la société par l’acte litigieux.

L’acte compromettant l’existence de la société n’entre pas dans l’objet social

Il reste alors à expliquer, ce qui est plus délicat, en quoi la souscription du prêt n’était pas susceptible d’entrer dans l’objet social. Il faut observer tout d’abord que, pour la Cour de cassation, la mention d’un acte dans l’objet statutaire n’est pas toujours suffisante pour que celui-ci entre dans l’objet social. Il n’existerait pas une identité parfaite entre « l’objet social » et « l’objet statutaire ». La volonté des associés ne suffirait pas toujours pour faire entrer un acte dans l’objet social et donc pour autoriser le gérant à engager la société à l’égard des tiers.

Certains actes, bien que prévus par les statuts, peuvent ne pas intégrer l’objet social, ou plus exactement peuvent en être exclus, dès lors qu’ils sont contraires à l’intérêt social. Pour autant, pour éviter que l’application de ce critère ne soit l’occasion pour le juge de procéder à un contrôle d’opportunité de l’acte, la Cour de cassation n’admet, en pareil cas, qu’une seule hypothèse de contrariété à l’intérêt social : lorsque l’acte compromet l’existence même de la société.

Même si cela ne ressort pas de la formulation des motifs, la jurisprudence admet – explicitement pour la chambre commerciale – que l’acte compromettant l’existence de la société est valide lorsqu’il est utile à la société. La société peut en effet avoir intérêt dans certains cas à prendre un tel risque si bien que l’acte sera alors conforme à son intérêt. Cependant, au regard du présent arrêt, cette utilité de l’acte compromettant son existence ne peut résulter de la seule existence d’une contreprestation offerte à la société – ce qui est le cas avec un contrat de prêt bancaire– mais de son utilité concrète. Or, dans cette affaire, les fonds prêtés n’ont pas été utiles à la société, mais à son associé minoritaire. Et on arrive alors au ressort essentiel de la solution : l’immeuble n’est jamais la chose personnelle d’un associé !

 

Gauthier LE NOACH
Maître de conférences à l’Université Paris-Nanterre

 

 

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Faire de Paris Île-de-France la capitale mondiale du sport

Soumis par sfournier le jeu 23/03/2023 - 14:04

Les Grands Événements Sportifs Internationaux (GESI) : un enjeu d’attractivité

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GESI

 

Faisons de Paris Ile-de-France la capitale mondiale des événements sportifs ! C’est là une formidable ambition d’attractivité et de rayonnement international, garante de nombreuses retombées économiques. Sans compter que le sport participe souvent à l’émulation collective, devenant ainsi un vecteur de cohésion sociétale.

Notre région démontre déjà de longue date son savoir-faire en matière d’accueil de grandes compétitions internationales. Certaines ont lieu chaque année, comme Roland Garros, le tour de France ou le Prix de l’Arc de Triomphe. D’autres s’y déroulent à titre occasionnel. Justement deux moments sportifs majeurs se tiendront prochainement en Ile-de-France : la Coupe du Monde de rugby cette année et les Jeux Olympiques et Paralympiques en 2024.

Alors, l’Ile-de-France synonyme demain de lieu de référence des Grands événements sportifs internationaux (GESI) ? La CCI Paris Ile-de-France répond oui !

L'enjeu

Les GESI et leurs impacts

Les Grands événements sportifs internationaux (GESI) peuvent être exceptionnels ou tournants, le territoire hôte change à chaque édition. Souvent leur accueil fait l’objet de processus longs de candidature dans lesquels les forces lobbyistes ont une part significative. C’est le cas des JOP, des Coupes du Monde de football ou de rugby, de la Ryder Cup, etc. D’autres GESI sont dits récurrents : ceux organisés chaque année à la même période et dans un même lieu (les quatre tournois du Grand Chelem au tennis par exemple).

Peu rassemblent plus d’un milliard de téléspectateurs : les JOP d’été et d’hiver, la Coupe du Monde et le Championnat d’Europe de football, le Tour de France, la Coupe du Monde de cricket, la Coupe du Monde de rugby, les grands prix du Championnat du monde de Formule 1, les tournois du Grand Chelem de tennis et encore la Ryder Cup.

Roland garros

 

 

Face à de telles audiences, il est clair que les impacts des GESI sont multiformes et extrêmement importants. Ils sont naturellement sportifs et de cohésion sociale (de la fierté des victoires de « son » équipe à la création de moments de convivialité partagée). Ils concernent aussi l’attractivité et le rayonnement international via les retombées en matière d’image, de notoriété et d’influence (surtout si l’événement est réussi !). Les impacts sont par ailleurs économiques : les GESI génèrent d’importantes retombées directes et indirectes grâce à la venue et la consommation des clientèles professionnelles et touristiques. Enfin, les impacts des GESI touchent l’aménagement du territoire.

La destination Paris Ile-de-France

Ses forces et ses faiblesses

Paris Ile-de-France est une destination touristique de premier plan. La marque « Paris » est reconnue dans le monde entier et porteuse d’un imaginaire fort et positif. Elle est associée à de nombreux lieux, monuments et musées qui lui donnent une force difficile à concurrencer. Un atout considérable couplé au premier hub aéroportuaire d’Europe et à des infrastructures de transport denses. Cependant Paris Ile-de-France souffre d’un déficit d’image sur la qualité de l’accueil (sans compter la prise en compte insuffisante de l’accès des Personnes à Mobilité Réduite).

Par ailleurs, si le tissu économique de la région est dynamique, rejoignant la liste des forces de la destination, cette dernière connait des pénuries de main-d’œuvre dans les métiers de l’accueil, de la sécurité, de la propreté et des CHR exacerbées. Les emplois non pourvus s’élèveraient à 20 000 dans le domaine de la sécurité et à 36 000 dans les CHR !

Du point de vue des GESI, la tradition d’accueil et d’organisation d’événements sportifs par la région-capitale française fait qu’elle possède d’ores et déjà des équipements de dimension nationale et internationale. La diversité des sports déjà accueillis lui permet d’organiser des compétitions de tous ordres.

Paris se positionne donc comme une destination majeure pour les GESI, tournants et récurrents. Cependant, le maintien des épreuves récurrentes et l’obtention de GESI tournants est de plus en plus difficile dans un contexte de concurrence internationale accrue. Les tentatives de captation de Roland Garros ou encore la compétition pour devenir ville hôte des différents Mondiaux, JOP ou Ryder Cup démontrent l’appétit de toutes les villes monde (« global cities ») pour ce créneau.

  • Retrouvez l'intégralité de nos 12 leviers et 53 propositions ici. 

Promouvoir et valoriser

Mobiliser les acteurs publics et préparer la région Paris Ile-de-France à l'accueil récurrent des GESI

Citation de la Panouse

 

Positionner Paris comme la capitale mondiale du sport et des GESI implique la mise en place d’outils partagés et d’une volonté fédératrice. Par exemple, la création -plus qu’utile- d’un comité de candidature en charge de la captation des grands événements à fort potentiel ne sera efficiente que si c’est une instance plurielle et un lieu de concertation et de coordination des professionnels, des collectivités et autres organismes publics et privés compétents en matière de sport et de développement économique.

Parallèlement, Paris Ile-de-France pourrait capter des GESI de circuits étrangers afin de promouvoir la destination auprès de nouveaux publics. En effet, des événements qui ne sont pas traditionnellement dans la culture française ou européenne disposent d’un potentiel à forte résonance médiatique et touristique auprès de clientèles lointaines. Paris a déjà réussi à capter une étape européenne pour la NBA en janvier 2023 et poursuit son partenariat avec le championnat WWE (catch) en avril 2023. Pourquoi ne pas candidater pour accueillir les X-games, des GESI de sports urbains comme le break dance, le skateboard ou même organiser un match de criquet du championnat indien en Île-de-France ?

Enfin, notre business diplomatie dans le domaine des grands événements sportifs est encore perfectible. Il faudrait un renforcement des liens de la filière d’organisation des grands événements avec les ambassades et les missions économiques à l’étranger pour valoriser le territoire et le savoir-faire de cette filière d’excellence française et francilienne.

Organiser et accueillir

Assurer une bonne organisation des événements

Le bon accueil des clientèles dans de bonnes conditions repose sur plusieurs présupposés.

La priorité est de développer une « culture de l’accueil des étrangers ». La barrière de la langue mais au-delà, la prise en compte des spécificités de ces publics reste un problème dans la formation des professionnels en contact avec eux tout comme peut l’être l’information disponible en langue étrangère dans les commerces (tailles en prêt-à-porter, menus…). Dans cette continuité, les informations pratiques comme la valorisation de l’offre commerciale sur les applications dédiées aux événements sportifs restent faibles.

On pourrait ici créer une plateforme d’information dédiée aux professionnels du tourisme et de l’événementiel. Elle comprendrait un planning des évènements à venir et des actions à mettre en œuvre concernant les plans de circulation et d’installation des infrastructures sportives, l’affichage des sponsors dans l’espace public, l’organisation logistique pour la livraison, les horaires d’ouverture sensibles, les forces de l’ordre présentes à proximité, les transports en commun fermés….

Autre préalable, un accès aux commerces et au centre-ville pendant le déroulé des épreuves sécurisé et facilité. En Ile-de-France, cela passe par l’amélioration du dispositif cestplusur (mis en place par la Préfecture de Police pour informer sur les forces de sécurité présentes à proximité des commerces, les transports en commun à l’arrêt, le barriérage, les plans de circulation...) et le renforcement de la lutte contre la contrefaçon. Vis-à-vis des visiteurs, cette exigence d’une meilleure sécurité peut être d’améliorer les formulaires de plaintes dans la langue d’origine en cas de vol ou d’agression (aéroports, trains, taxis, hôtels...) : la procédure utilisant le logiciel SAVE (Système d’Aide aux Victimes Etrangères) est insuffisamment connue alors qu’elle permet aux touristes victimes de voir leur plainte enregistrée en 30 langues avec remise d’un récépissé dans la leur.

Assurer une bonne organisation des événements, c’est aussi développer une approche écoresponsable et combler le déficit en termes d’hygiène et de propreté. La définition d’objectifs et d’indicateurs de suivi sur la gestion des déchets des événements éphémères récurrents est indispensable.

Au-delà, certaines mesures sont souhaitables comme la mise à disposition pour la clientèles de conciergeries dans les artères commerciales touristiques, le renforcement de l’attractivité de la détaxe et de son usage dans les commerces des artères commerçantes et touristiques, ainsi l’aménagement d’une dérogation spécifique au repos dominical pour certains établissements commerciaux dans le cadre des GESI.

Intégrer et exploiter

Renforcer et équiper le territoire au service de l'héritage de l'événement

Citation Restino

 

Si les Jeux Olympiques et Paralympiques ont axé leur candidature sur l’héritage, les GESI restent encore trop souvent des événements coupés des territoires sur lesquels ils se déroulent. Jusqu’ici, les GESI franciliens ne sont pas parvenus à mettre suffisamment en valeur l’économie locale.

Pour intégrer les GESI dans un projet de territoire, il faut les intégrer dans les documents d'aménagement et d'urbanisme et insister sur des notions comme la réversibilité des bâtiments, à savoir la possibilité d'en changer à plusieurs reprises l'usage tout au long de leur cycle de vie, grâce à des travaux mineurs et des procédures simplifiées. C’est le cas du futur village des JO qui deviendra un éco-quartier à l’issue des Jeux.

Parallèlement la région doit moderniser régulièrement le parc d'infrastructures sportives pour rester compétitif et aider à accueillir un éventail plus large de disciplines. Cette modernisation devra également répondre aux standards attendus : accessibilité des PMR, éco-responsabilité, digitalisation.

Parmi les leviers envisageable ici figure le renforcement des liens entre GESI et populations locales. Plusieurs pistes :

  • Inclure les clubs sportifs locaux dans l’organisation des GESI en soutenant financièrement les équipes qui participent à l'encadrement bénévole des compétitions
  • Encourager le mentorat et le mécénat des entreprises pour le financement et la préparation des athlètes
  • Mettre en lien les bénévoles et les emplois temporaires des GESI avec le secteur des CHR
  • Disposer d’un corps du service civique dédié aux grands événements
  • Promouvoir l’accès des infrastructures sportives par les Maisons Départementales pour les Personnes Handicapées (MDPH)
  • Intégrer aux applications des transports publics officielles l'information en temps réel sur les parcours spécifiques pour les participants, spectateurs et visiteurs handicapés

Enfin, la CCI Paris Ile-de-France insiste sur le besoin d’inclure l’action des entreprises lors des GESI dans une perspective de long terme via, notamment la structuration d’une filière du sport en Île-de-France autour d’entreprises leader, de start-up, d’athlètes, de clubs, de fédérations, de pôles de recherche, etc. Sans oublier la réalisation systématique d’études d’impact des GESI sur les entreprises.

 

 

  • Retrouvez l'intégralité de nos 12 leviers et 53 propositions ici.

Rapporteur : Edmond de La Panouse
Experts : Céline Delacroix, Aurélien Neff, Emmanuel Rodier

 

Pour en savoir plus :

Sur le même sujet :

 

mars 2023

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Un pacte conclu pour la durée de vie d’une société est licite

Soumis par sfournier le mer 15/03/2023 - 09:41

Lettre CREDA-sociétés 2023-05 du 15 mars 2023

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Il résulte des articles 1134, alinéa 1er ancien et 1838 du code civil que la prohibition des engagements perpétuels n’interdit pas de conclure un pacte d’associés pour la durée de vie de la société, de sorte que les parties ne peuvent y mettre fin unilatéralement.

C’est la seconde fois en quelques mois que la Cour de cassation apporte des précisions essentielles sur la durée des pactes d’associés et, singulièrement, s’agissant de la prohibition des engagements perpétuels (Cass. 1ère civ., 25 janv. 2023, n° 19-25.478, FS-B). Elle a déjà jugé, pour un pacte conclu avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 10 février 2016, que « les engagements perpétuels ne sont pas sanctionnés par la nullité du contrat mais chaque contractant peut y mettre fin à tout moment, sous réserve de respecter le délai de préavis contractuellement prévu ou, à défaut, un délai raisonnable » (Com., 21 sept. 2022, n° 20-16994 ; désormais, C. civ., art. 1210). L’arrêt du 25 janvier 2023, publié au Bulletin, formule une solution tout aussi essentielle pour la force obligatoire des pactes d’associés. Il énonce que le pacte conclu pour la durée de vie d’une société n’est pas constitutif d’un engagement perpétuel. Affecté d’un terme licite, ce pacte est donc à durée déterminée et ses signataires ne peuvent le dénoncer unilatéralement avant son échéance.

En l’espèce, 7 associés d’une SAS (un père, ses cinq enfants et une société HC) avaient conclu en 2010 un pacte dont la durée était calquée sur celle restant à courir de la SAS (soit 58 ans). La clause de durée du pacte prévoyait qu’à l’issue de cette première période, ce dernier serait tacitement renouvelé pour la nouvelle durée de la société éventuellement prorogée et qu’à l’occasion de chaque renouvellement, toute partie disposerait d’une faculté de dénoncer le pacte moyennant le respect d’un préavis de 6 mois. La clause stipulait enfin que le pacte lierait et bénéficierait aux héritiers, aux légataires, ayants droit, ayants cause de chacune des parties, et notamment leurs holdings familiales.

publications

 

En 2017, le pacte d’associés est résilié par le père et la société HC, et le 10 janvier suivant, par l’un des cinq enfants. En appel, la demande formulée par un autre des cinq enfants de voir la résiliation jugée irrégulière, et partant inefficace, est rejetée. Pour les juges aixois, la clause de durée du pacte constitue un engagement perpétuel dès lors qu’elle ne permet à ses signataires d’en « sortir », selon les cas, qu’à un âge avancé, entre 79 et 96 ans. Elle en déduit qu’une telle « durée excessive, qui confisque toute possibilité réelle de fin de pacte pour les associés, ouvre aux parties la possibilité de résilier le pacte à tout moment ».

L’arrêt est censuré au double visa des articles 1134, alinéa 1 ancien et 1838 du code civil. Selon la Chambre commerciale, statuant sur le moyen tiré de la perpétuité de l’engagement, bien que l’arrêt soit rendu par la première Chambre civile, il résulte de ces textes « que la prohibition des engagements perpétuels n’interdit pas de conclure un pacte d’associés pour la durée de vie de la société, de sorte que les parties ne peuvent y mettre fin unilatéralement ».


 Téléchargez la lettre Creda-Sociétés n° 2023-05 du 15 mars 2023

Lettre 2023-05

 

1. L’opportunité de la solution

Ce qui frappe tout d’abord, c’est la généralité de la solution, dont la formulation lui donne les atours d’un arrêt de principe. Mieux, les circonstances de l’espèce sont en ce sens, puisqu’étaient signataires du pacte des personnes physiques possiblement liées jusqu’à la fin de leur vie et auxquelles ledit pacte pouvait survivre. Or, en dépit d’un précédent qui ne semblait pas marquer une hostilité de principe à un engagement affecté d’une telle durée (Com. 20 déc. 2017, n° 16-22.099), l’hésitation sur la nature perpétuelle du pacte conclu par des personnes physiques pour la durée de vie de la société était permise. En particulier, une décision récente sous-entendait que l’appréciation du caractère perpétuel d’un pacte, fonction des circonstances et de la nature des engagements souscrits, dépend de ce que la partie concernée est une personne morale ou une personne physique (CA Paris, 15 déc. 2020, RG 20/00220).

Les doutes sont ici levés et l’arrêt sera accueilli favorablement en pratique. En effet, faute d’une position claire de la jurisprudence sur l’appréciation du caractère perpétuel des clauses indexant la durée du pacte sur celle de la société, une solution, peu satisfaisante, consistait pour les parties à retenir une durée pour le pacte de 5, 10, 15 ans, etc., avec clause de reconduction. Simplement, à chaque échéance, les parties se trouvaient confrontées au risque de sortie de l’une d’entre elles.

L’accueil réservé à l’arrêt sera d’autant plus favorable qu’il a été jugé que ne constitue pas un terme, même implicite (i.e. se référant à la durée de vie de la société), la clause selon laquelle les stipulations d’un pacte d’associés demeurent applicables aussi longtemps que ses signataires resteront ensemble associés. Sans qualifier expressément la clause (il n’est pas dit qu’il s’agit d’une condition), la cour d’appel, qui est approuvée par la Chambre commerciale, avait retenu que « la perte, par l’un ou l’autre des cocontractants, de la qualité d’actionnaire ne présente aucun caractère de certitude, quand bien même l’un ou l’autre peut-il à tout moment céder ses actions » (Com. 6 nov. 2007, n° 07-10.620,). Or, faute de terme stipulé au pacte, chaque partie dispose alors d’une faculté de résiliation unilatérale (rappr. Com. 20 déc. 2017, n° 16-22.099, précité, estimant « que la perte de la qualité d’actionnaire de ce dernier ne constitue pas un terme extinctif, mais une condition de validité de l’engagement dans le temps »).

2. La portée de la solution

La force obligatoire des pactes d’associés sort clairement renforcée de cet arrêt. En un sens, et c’est la raison du visa de l’article 1838 du Code civil, les hauts magistrats considèrent que si la société peut durer 99 ans et lier pour aussi longtemps les associés, pourquoi ne pas l’admettre pour un pacte d’associés ? De toute évidence, l’arrêt consacre une règle spéciale justifiée par la nature particulière du contrat qu’est le pacte d’associés. D’abord, le pacte crée des droits et obligations qui ont, en simplifiant, pour objet la société ou les titres de capital émis par elle. Ensuite, le pacte est un contrat périphérique et souvent complémentaire aux statuts ; il peut même être conçu comme un « accessoire » des statuts. Il convient donc d’éviter que sa force obligatoire, qui se trouve en partie dans la dépendance des statuts, soit désactivée par tout signataire au seul motif que sa durée est arrimée à celle de la société. En un sens, cet arrêt invite à considérer que si les stipulations d’un pacte ne doivent pas heurter l’ordre public sociétaire, il apparait opportun, à rebours, que certaines règles du droit des sociétés, par capillarité, lui profitent.

Un peu plus loin du sujet, rappelons qu’il a été admis que l’on prête à la sanction de certaines clauses d’un pacte d’associés conclus entre les associés d’une SAS la vigueur de celle des clauses statutaires (Com. 27 juin 2018, n° 16-14.097). Et on sait que l’articulation entre statuts et actes extrastatutaires n’est pas toujours aisée à opérer (par ex. Com. 12 oct. 2022, n° 21-15382). On saura donc gré à la Cour de cassation de livrer certaines clés de lecture, et au cas particulier, en matière de durée des pactes, une solution claire.

Pour autant, un blanc-seing n’est pas donné aux rédacteurs de pactes. D’une part, était en l’espèce réservée aux signataires une faculté de résiliation lors de chaque reconduction tacite du pacte, elle-même fonction de la prorogation de la durée de la société. Si une telle faculté n’écarte pas toujours la critique sur le terrain de la perpétuité (ex. Com., 11 mai 2022, n° 19-22.015), il ne semble pas douteux que le pacte qui serait renouvelé ou prorogé de façon illimitée ou indéfinie à la discrétion de l’une des parties seulement, encourrait le vice de perpétuité (ex. Civ. 3ème, 27 mai 1998, n° 96-15.774).

D’autre part, le libéralisme de la solution n’exclut pas, évidemment, l’assujettissement des engagements que contient le pacte à un test de licéité sur d’autres plans. On songe aux règles de l’ordre public du droit des contrats en général, et du droit des sociétés en particulier : clauses de non-concurrence, d’exclusivité, d’inaliénabilité, conventions de vote, clauses léonines, libre révocabilité des dirigeants, potestativité des engagements ou conditions, etc. Concrètement, les pactes restent exposés à la critique sur le terrain de la licéité de leur contenu. Simplement, il faudra fonder cette critique sur une autre cause que la seule conclusion du pacte pour une durée correspondant à celle de la société.

 

Julien Delvallée,
Maître de conférences en droit privé à l’Université Paris-Saclay

 

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L’égalité femmes - hommes, cette autre facette de la RSE

Soumis par sfournier le mer 08/03/2023 - 08:35

Un atout pour l’entreprise et l’entrepreneuriat

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égalité hommes femmes

L’égalité femmes-hommes est une valeur fondamentale inscrite dans les Traités de l’Union, et un objectif de valeur constitutionnelle. Dans le monde économique, des évolutions notables ont eu lieu ces dix dernières années pour promouvoir l’égalité professionnelle mais l’équilibre atteint n’est pas encore satisfaisant. Et, seuls 30% des dirigeants d’entreprises, en France, sont des femmes. Or la mixité est un atout pour l’entreprise et la réduction des inégalités un enjeu de durabilité.

Des progrès ont incontestablement été réalisés ces 10 dernières années, notamment sous l’impulsion du législateur.

Initiant le mouvement, la loi Copé‑Zimmermann du 27 janvier 2011 a permis, grâce à l’instauration de quotas, de faire entrer 40 % de femmes dans les conseils d'administration et de surveillance des grandes entreprises françaises, plaçant la France au rang des pays les plus avancés en termes d’équilibre entre les sexes au sein de ces instances.

Dix années plus tard, la loi Rixain s’en est inspirée pour imposer une meilleure répartition entre les sexes parmi les cadres dirigeants et au sein des instances dirigeantes des grandes entreprises (comex, codir).

Pourtant, des inégalités demeurent :

  • Au sein même de l’entreprise, dans les rémunérations et dans les trajectoires de carrière.
  • Lors de la création ou de la reprise d’une entreprise, les femmes se lançant moins volontiers dans l’aventure entrepreneuriale.

La CCI Paris Île-de France et CCI France considèrent que cette recherche de l’égalité dans le monde économique doit être renforcée. Cette étude présente des leviers d’action pour y parvenir.

    Citation S Salinié

     

    Comment encourager la recherche de l’égalité en entreprise ?

    Encourager la recherche de l’égalité en entreprise - y compris dans la prise de décision économique - ne nécessite pas de modifier le cadre réglementaire. Des axes d’amélioration, reposant essentiellement sur le développement de bonnes pratiques et l’accompagnement des PME doivent être privilégiés.

    Ainsi, nous proposons de :

    • Renforcer l’accompagnement des PME dans la mise en œuvre de l’index égalité qui s’avère souvent complexe pour les petites structures.
    • Repenser la formation, le recrutement et la détection des talents pour déconstruire les stéréotypes de genre, notamment dans les métiers d’avenir.
    • Encourager les entreprises à repenser la manière dont elles identifient, en leur sein, les hauts potentiels.
    • Promouvoir la mixité par l’exemplarité, exemplarité que l’on doit pouvoir retrouver dans les organisations publiques, comme dans les organisations professionnelles.

    Comment encourager l’entrepreneuriat
    des femmes ?

    Moins d’une entreprise sur trois est créée par une femme et seulement une sur dix dans les secteurs innovants.

    La situation est encore plus déséquilibrée s’agissant de la reprise d’entreprises : les femmes ne représenteraient que 5 % des repreneurs.

    Le réseau des CCI a développé, dans le cadre de ses missions de formation et d’appui, des programmes et accompagnements à destination des femmes entrepreneures. Mais des obstacles demeurent.

    Pour les lever et encourager l’entrepreneuriat des femmes, il est notamment recommandé, de :

    • Renforcer la communication autours des réseaux qui accompagnent les femmes dans leurs projets entrepreneuriaux.
    • Proposer des illustrations positives et des témoignages inspirants de femmes cheffes d’entreprise, notamment dans les médias ou lors de manifestations et colloques, pour susciter des vocations et créer une dynamique positive.
    • Mieux orienter l’action publique en faveur de l’entrepreneuriat des femmes, ce qui implique de remédier au déficit des données pour mesurer l’efficacité des politiques publiques.
    • Faciliter l’accès des femmes aux financements. De nombreuses porteuses de projet disent avoir été confrontées à des difficultés de financements.

    Rapporteur : Sylvie Salinié
    Experte : Nathalie Huet

     

     

    Pour en savoir plus :

    Des programmes d’orientation et d’accompagnement des femmes créatrices d'entreprise, parmi lesquels :

    • La création du réseau Femmes & Challenges par les CCI de Normandie, qui soutient les femmes porteuses de projets, dirigeantes ou chefs d’entreprise
    • ExcELLEnce, le nouveau programme de la CCI Val-de-Marne pour encourager les femmes à franchir le pas de l’entrepreneuriat en les accompagnant tout au long de leur parcours de création, de l’évaluation du projet au démarrage de l’activité

    Sur le même sujet :

    Evènement :

     

    février 2023

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    Redressement judiciaire : l'associé menacé de dilution peut former tierce opposition

    Soumis par sfournier le mer 01/03/2023 - 13:16

    Lettre CREDA-sociétés 2023-04 du 1er mars 2023

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    Par un important arrêt publié rendu le 8 février 2023 (21-14.189), la chambre commerciale déclare recevable la tierce opposition de l’actionnaire qui cherche à contester le plan de redressement envisageant de lui imposer une dilution de sa participation. La solution mérite d’être remarquée, en ces temps de « désacralisation » des droits de l’associé au nom du sauvetage des entreprises.

    Une société LPS, détenue notamment par une personne physique A à hauteur de 43,09 %, fut placée en redressement judiciaire. Quelques mois plus tard, le tribunal de commerce arrêta le plan de redressement. Par une ordonnance de référé, le président du tribunal désigna ensuite un mandataire avec la mission de mettre en œuvre la procédure prévue à l’article L. 631-9-1 du code de commerce. Les capitaux propres de la société étant tombés à un niveau inférieur à la moitié du capital social (C. com., art. L. 225-248), et en l’absence de reconstitution dans les conditions de l’article L. 626-3 du code de commerce, l'administrateur peut en effet solliciter la désignation d'un mandataire chargé de convoquer l'assemblée compétente et de voter la reconstitution du capital, à la place des associés opposants, lorsque le projet de plan prévoit une modification du capital en faveur d'une ou de plusieurs personnes qui se sont engagées à exécuter le plan.

    publications

     

    L’assemblée générale devait ici être réunie pour se prononcer sur la réduction du capital social à zéro, suivie de son augmentation en numéraire en deux temps, réservée à B, qui s’était engagé à exécuter le plan, et à un autre actionnaire, une société M. Capital Partners.

    L’actionnaire A, mis à l’écart et ne pouvant, de ce fait, faire jouer sa minorité de blocage, a décidé de former tierce opposition contre le jugement arrêtant le plan. Mais celle-ci fut déclarée irrecevable par la cour d’appel, qui retint que le demandeur, représenté à l’instance, n'avait pas d'intérêt distinct de celui de la société dans le cadre de ce plan.

    L’arrêt sera finalement cassé par la chambre commerciale. L’intérêt de cette décision publiée est double. Il nous offre d’abord l’occasion de revenir sur la question épineuse de l’admission de la tierce opposition d’un associé à l’encontre d’une décision visant la société (1). Surtout, à rebours d’une tendance observable depuis quelques années en droit positif, la chambre commerciale se montre particulièrement soucieuse des droits de l’associé menacés de dilution par le plan de redressement (2).


     Téléchargez la lettre Creda-Sociétés n° 2023-04 du 1er mars 2023

    Lettre 2023-04

     

    L’admission de la tierce opposition de l’associé

    La tierce opposition permet à un tiers d’attaquer un jugement en vue de le faire rétracter ou réformer (C. proc. civ., art. 582). Voie de recours exceptionnelle, ouverte uniquement dans les cas prévus par la loi (C. proc. civ., art. 580), plusieurs conditions de recevabilité sont imposées. Ne sont ainsi admis à l’exercer que les personnes qui n’ont pas été parties à l’instance, et qui font état d’un intérêt légitime à agir (C. proc. civ., art. 583). Parmi les tiers, sont néanmoins déclarés logiquement irrecevables ceux qui ont été représentés.

    La question de savoir si l’associé est recevable à attaquer une décision concernant sa société a fait l’objet de nombreux débats, tant doctrinaux que devant les prétoires. Si l’associé est incontestablement un tiers, peut-on cependant le considérer comme étant « représenté » ? Dans la rigueur des principes techniques qui régissent la représentation, une réponse négative devrait s’imposer : le représentant légal de la personne morale n’agit, dans le cadre du procès, qu’au nom et pour le compte de cette dernière, et non des associés.

    A la vérité, pour éviter une dilatation trop importante du domaine de la tierce opposition, la Cour de cassation a une conception plutôt extensive de la notion de représentation – certains arrêts se contentent même d’une « communauté d’intérêts » (Cass. civ. 1re, 5 mars 2008, no 07-11.667, publié). La jurisprudence, fixée depuis de nombreuses années, considère avec constance que les associés sont bel et bien représentés à l’instance par le représentant légal de la société (V. par exemple : Cass. com. 23 mai 2006, no 04-20.149, publié).

    La seule possibilité pour l’associé est alors d’invoquer l’une des deux exceptions qui permettent l’ouverture de la tierce opposition aux représentés. Son droit d’agir sera d’abord reconnu s’il parvient à démontrer l’existence d’une fraude à ses droits ou s’il fait valoir des moyens qui lui sont propres, autrement dit, des moyens que le représentant n’aurait pas été en mesure d’invoquer. L’apport principal de l’arrêt est de reconnaître l’existence d’un moyen propre à l’associé qui cherche à contester une restructuration de capital prévue à son détriment par le plan de redressement.

    La protection de l’associé menacé de dilution

    La question du domaine de la tierce opposition est particulièrement sensible en droit des entreprises en difficulté. Les impératifs de la procédure peuvent inciter à restreindre les possibilités de contestation ouvertes aux tiers. Pourtant, depuis la loi de sauvegarde du 26 juillet 2005, la tierce opposition a été largement ouverte, tant à l’encontre du jugement d’ouverture, que de celui prononçant une extension de procédure (C. com., art. L. 661-2), ou encore de la décision arrêtant le plan de sauvegarde ou de redressement (C. com., art. L. 661-3).

    Le problème prend une tournure particulière lorsque le plan prévoit une mesure qui peut se traduire par la dilution d’un associé contre son gré. C’était précisément l’effet du plan contesté, qui exploita la possibilité offerte par l’article L. 631-9-1 du code de commerce, lorsque les capitaux propres sont devenus inférieurs à la moitié du capital social. Si l’on peut y voir l’expression de la contribution aux pertes de l’associé, la mesure est néanmoins forte, et a d’ailleurs été contestée lors de son entrée en vigueur (Ord. du 12 mars 2014) : au nom du sauvetage de l’entreprise, le plan peut désormais porter atteinte aux droits de l’associé qui ne souhaite pas ou n’est pas en mesure de souscrire à l’augmentation de capital.

    La solution adoptée par la chambre commerciale est à rebours de la tendance, observée depuis quelques années, d’autoriser une « mise à l’écart » de certains associés ou dirigeants lorsque le redressement de l’entreprise l’exige. Plus exactement, l’arrêt tempère la rigueur de ces nouveaux principes en cherchant à ménager les droits de l’associé, même récalcitrant, en lui ouvrant malgré tout la tierce opposition, dès lors (comme en l’espèce) qu’il critique précisément la désignation d'un mandataire ad hoc ayant pour mission d'exercer ses droits de vote aux fins d'approuver un coup d’accordéon réservé à d'autres associés que lui. Le raisonnement est difficilement contestable : la privation du droit de vote, ainsi que la dilution qu’il subit, sont des griefs qui sont évidemment propres à l’associé concerné.

    La publication de cet arrêt de cassation – prononcée pour violation de la loi – s’explique sans doute par la résistance opposée par certaines juridictions du fond. En effet, la chambre commerciale avait déjà censuré une décision de cour d’appel ayant déclaré irrecevable la tierce opposition de l’associé, dans des circonstances très proches (Cass. com., 31 mars 2021, n° 19-14.839, publié). Le plan avait décidé d’une réduction du capital à zéro, suivie d’une augmentation réservée à un actionnaire devenu unique. La cour d’appel avait refusé de faire droit à la tierce opposition de l’associé évincé, qui invoquait la perte de sa qualité d’associé et l’atteinte portée à son droit préférentiel de souscription, motif pris de ce que ces moyens, qui concernent la collectivité des associés et ont été débattus à l’instance, n’étaient pas propres à l’associé opposant. La cassation fut sèchement prononcée, toujours pour violation de la loi, le moyen propre n’étant pas celui que peut exclusivement invoquer un associé considéré individuellement.

    Ces arrêts sont vraisemblablement appelés à rayonner au-delà du strict domaine de l’article L. 631-9-1 du code de commerce. Une conclusion analogue devrait en effet a fortiori s’imposer lorsque le plan prévoit une mesure de dilution ou de cession forcées, conformément à l’article L. 631-19-2 du code commerce. Consacrée par la loi Macron du 6 août 2015, la mesure est encore plus lourde pour l’associé évincé car elle n’est pas conditionnée par les critères de l’article L. 225-248 du même code. Au point que sa constitutionnalité fut discutée, mais finalement reconnue (Cons. const., 5 août 2015, n° 2015-715 DC). S’il est vrai que l’associé concerné est entendu par le tribunal lorsqu’une telle mesure est projetée, cela ne suffit pas pour en faire une partie à l’instance.

    Que penser de l’opportunité de ces solutions ? La quête du point d’équilibre entre intérêt social, intérêt des associés et celui des créanciers est, on le sait, une gageure. En l’occurrence, la multiplication des recours peut certainement risquer de perturber le bon déroulement de la procédure et in fine compromettre, peut-être, les chances de sauvetage. Certes, l’effet relatif de la tierce opposition atténue quelque peu ce danger : elle empêche simplement le jugement de produire effet à l’égard du tiers opposant, sans affecter la portée du jugement entre les parties (C. proc. civ., art. 591). Pour autant, l'admission au fond de la tierce opposition devrait logiquement conduire à faire obstacle à la dilution de l’associé.

     

    Akram El Mejri,
    Maître de conférences à l’Université Paris Nanterre

     

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    Le financement de la décarbonation des entreprises

    Soumis par sfournier le mar 28/02/2023 - 15:37
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    Financement de la décarbonation des entreprises

    La décarbonation ? Tout le monde s’accorde pour dire que c’est un impératif. Les chefs d’entreprise sont naturellement prêts à y prendre part, tout en soulignant la question du financement, véritable frein à la mise en œuvre de cette décarbonation.

    Mais l’optimisme doit être de mise et l’écosystème financier notamment a pleinement son rôle à jouer. Ainsi, les projets de décarbonation peuvent, et même doivent, entrer dans les portefeuilles de gestion (les investisseurs ont donc pleinement intérêt à financer des projets « verts et durables »). De même, transformer l’épargnant particulier en investisseur au service du verdissement est une piste à explorer. Autre levier, l’innovation : pourquoi ne pas aller vers des fonds d’épargne salariale vert TPE-PME par exemple ?

    Les possibilités sont nombreuses. Les CCI de France ont souhaité en formuler quelques-unes propres à faciliter le financement de la décarbonation.

    La crise, accélérateur de la transition écologique

    Depuis la pandémie du Covid, les crises se multiplient pour les entreprises. A des degrés et des intensités divers certes mais suffisamment pour que le Forum économique mondial de Davos parle de « polycrises ». Ce néologisme renverrait concrètement à « des crises disparates [qui] interagissent de telle sorte que l’impact global dépasse de loin la somme de chaque partie ».

    Reste que les crises sont souvent de formidables accélérateurs de mutations et de transitions. En effet, les entreprises doivent agir plus rapidement et parfois mettre en œuvre des projets jugés jusque-là non prioritaires. A elles de voir dans la hausse des coûts de l’énergie, dans l’inflation, dans les incertitudes sur les approvisionnements… Autant d’opportunités pour produire autrement et accélérer sur la décarbonation. A terme, ce sont des sources d’innovation, de différenciation, de réduction des coûts et d’obtention de marchés publics.

    Enquête crocis été 2022

    Source : Enquête du Crocis sur l’industrie, le bâtiment et la construction, été 2022

    Tous les secteurs sont concernés par le défi environnemental. D’autant que la pression des consommateurs et du marché est forte. De plus, les entreprises doivent se conformer à des obligations légales croissantes ainsi qu’à des réglementations propres à leur secteur d’activité. Sans compter que la transition peut intervenir dans de multiples domaines : mobilité, économie circulaire, éco-innovation, réduction des émissions de gaz à effet de serre, RSE, etc.

    A noter enfin que même si les entreprises n’ont pas mis en place de plans d’investissement verts, les investissements qu’elles réalisent dans la perspective d’un renforcement de leurs capacités ou de développement de leurs performances ou encore dans le cadre de leur politique RH, induisent le plus souvent une dimension de verdissement. Une dimension qui se retrouve également dans les investissements opérationnels, en lien par exemple avec la mobilité, l’énergie, la gestion de l’eau ou celle des déchets.

    Ce défi de transition écologique doit donc être relevé par l’ensemble des acteurs économiques. Les grandes entreprises sont déjà pleinement engagées dans cette démarche. Quant aux TPE-PME, elles sont souvent volontaires, mais ne savent pas par quoi commencer ou comment se faire aider. Elles ont besoin d’informations et d’accompagnement. Il faut leur donner les moyens de s’y atteler de façon pragmatique et innovante. Le réseau des CCI leur propose donc une offre d’accompagnement qui s’adapte à leur capacité et à leur niveau de maturité en matière environnementale. Les CCI ont en outre noué des partenariats avec l’ADEME, leurs Régions, les services de l’Etat et des bureaux d’études spécialisés, pour renforcer leur expertise et leurs capacités d’intervention.

    Financer sa transition énergétique

    Lever les freins

    Concernant le frein du financement, plusieurs raisons peuvent l’expliquer : le coût (surtout quand il y a un changement technologique ou de business model), l’absence de retour sur investissement (comment valoriser les futures économies d’énergie en valeur actuelle ?), la problématique des garanties ou du collatéral demandés pour certains investissements immatériels.

    L’écosystème financier a sa part à jouer pour que les entreprises parviennent à se financer. Les financeurs doivent faire preuve de pédagogie avec leurs clients pour les accompagner dans ces démarches. Les grilles de lecture pour qualifier un projet vert doivent être discutées par la Place et harmonisées (un dossier de financement ne contenant qu’une partie de verdissement peut-il entrer ou non dans le champ ?). Pédagogie, accompagnement, mise en œuvre et analyse du résultat seront clairement des vecteurs déterminants.

    Citation Sylvie Salinié décarbonation

     

    Trouver d'autres sources de financement

    Le prêt interentreprises introduit en 2015 est un échec manifeste : en plus de limiter les anciennes pratiques du financement entre entreprises, il n’a suscité aucun prêt du fait de sa complexité. Pourtant le principe d’un financement entre entreprises mérite d’être encouragé.

    Les CCI souhaitent ainsi que les prêts interentreprises soient développés dans l’optique de trouver de nouvelles méthodes de financement de la décarbonation des TPE-PME. On pourrait, notamment, restaurer les pratiques d’avant 2015, créer des groupes de place pour déterminer une nouvelle philosophie du financement des entreprises par leurs pairs, flexibiliser la gestion financière, celle des investissements des sociétés et intensifier l’entraide entre entreprises.

    Pour trouver d’autres sources de financement, on peut aussi orienter l’épargne disponible vers nos entreprises, ce qui veut dire transformer l’épargnant en investisseur (naturellement en l’accompagnant).

    Les Français sont demandeurs de participer à la reprise économique. Néanmoins, leur aversion au risque les conduit trop souvent vers des supports sans risque. L’accompagnement est nécessaire pour transformer cette « envie » en acte. La création d’un livret A « vert » destiné à financer la décarbonation des entreprises pourrait être une solution pour que la demande rencontre l’offre.

    Dans le même ordre d’idée, l’ajout d’un FCPE « vert » aux PER COL pour tous les salariés en y incluant de manière diversifiée des titres cotés ou non cotés, ainsi que des fonds de dette, doit être encouragé.

    Enfin, soutenir fiscalement l’investissement doit se faire à l’entrée (via la sortie du dispositif IR/PME du plafonnement global des avantages fiscaux de 10 000 euros) et à la sortie (en mettant en place un sursis d’imposition).

    Aides publiques transition

     

    Rapporteur : Sylvie Salinié
    Experte : Juliette Bertiaux

    février 2023

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    Nouvelles formes de commerce / Nouveaux modes de consommation

    Soumis par sfournier le mar 28/02/2023 - 12:46

    Entre régulation et dérégulation des activités commerciales

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    nouvelles formes de commerce

    Ecoutez le podcast
    sur les nouvelles formes de commerces et nouveaux modes de consommation

    par Edwige Becker, membre élue à la CCI Paris Ile-de-France

    Le secteur du commerce est structurellement à l’écoute des clients, de leurs attentes et de leurs besoins. C’est peu dire qu’il a été bousculé ces dernières années et qu’il a dû s’adapter rapidement aux nouveaux comportements des consommateurs. Essor du marché de la seconde main, pratique de l’achat groupé, livraison à domicile, demande de produits personnalisés, développement du « faire soi-même »… autant de tendances qui s’ancrent de plus en plus profondément.

    La crise sanitaire a certes été un accélérateur mais les aspirations en faveur de dépenses plus responsables et la digitalisation sont également des facteurs fondamentaux qui participent aux nouvelles formes de commerce et aux nouvelles formes de consommation.

    La CCI Paris Ile-de-France propose différentes pistes et solutions concrètes afin de s’adapter pour rester compétitif et de se transformer pour mieux se développer.

    Comprendre et accompagner la transformation des comportements d'achat

    Si l’on a pu penser un temps que la boutique physique avait un avenir incertain, on assiste à un retour progressif à la proximité dans les comportements d’achat.

    Depuis quelques années, les modes d’approvisionnement et de déplacement ont entraîné un changement dans le paysage commercial : recul de la fréquentation des centres commerciaux et politique de revitalisation des centres-villes, notamment. A cela s’ajoute l’augmentation continue des achats en ligne et l’arbitrage (en particulier en période d’inflation) entre les dépenses.

    On va incontestablement vers une restructuration de l’appareil commercial.

     

    schéma nouvelles formes de commerce

    Source : Crocis

     

    Jusque dans les années 1990, l’équipement commercial répondait à une logique de conquête de parts de marché, déconnectée du rythme de la consommation des ménages. Depuis, on assiste à un resserrement : les projets sont moins ambitieux, ils sont plus petits, plus mixtes et mieux insérés dans l’espace.

    D’autant que les oppositions antérieures - comme commerces de centre-ville vs commerce de périphérie - n’ont plus lieu d’être et qu’il serait erroné de les transformer en commerce physique vs commerce en ligne. L’omnicanalité a changé la donne. L’engouement pour la consommation en ligne tient au succès des stratégies "multicanales" déployées par les enseignes, ce qui implique aujourd’hui la redéfinition des espaces physiques de vente, l’inadaptation des locaux de grande taille au profit d’espaces de type showroom, la mise en place de points de contact plutôt que des points de vente, lockers…

    Comment dans ces conditions positionner son offre commerciale ?

    Il y a la question de l’offre prix, devenue de plus en plus délicate par exemple pour l’habillement, touché par la banalisation des promotions et le développement de la fast fashion. Il y a surtout la question de l’offre commerciale quand il faut répondre à plusieurs contraintes :

    • Produire moins et réaliser moins de promotions au risque de perdre du chiffre d’affaires et de rogner sur ses marges
    • Diversifier et rapprocher ses sources d’approvisionnement pour amortir notamment le coût du transport
    • Revenir vers l’expérience client focalisée sur l’accueil, le service et la personnalisation, tout en valorisant le lien social

    Sans parler de contraintes, les nouveaux usages de la consommation bousculent eux aussi les usages dits traditionnels :

    • Recherche d’éco-responsabilité, même si la baisse du pouvoir d’achat fragilise les prises de conscience environnementales)
    • Développement du marché de la seconde main. Il pesait déjà 7,4 milliards d’euros en 2020 et ne cesse de grossir, d’autant que les acteurs se multiplient et qu’ils sont issus de tous secteurs
    • Passage d’une économie de la propriété à une économie de l’usage : quand la finalité est atteinte, pourquoi posséder le moyen ? (ex : pourquoi acheter un taille-haies quand on n’en a un usage que ponctuel et qu’on peut le louer, le posséder de façon groupée, en bénéficier via un contrat global d’entretien des espaces…)
    • Adoption de nouvelles stratégies de digitalisation par les enseignes sous la pression des géants du e-commerce. Certaines ferment ainsi des magasins pour développer la vente en ligne
    • Percée de la livraison express via le quick commerce (dark-store et dark kitchen), modèle qui soulève d’importantes questions de logistique, d’implantation et de respect de certaines normes, telles celles d’hygiène
    • Accessibilité des lieux de vente et baisse de l’accessibilité des centres-villes
    • Libéralisation possible de l’ouverture des commerces le dimanche, sachant que la récente réglementation augmentant le nombre d’ouvertures possibles et étendant les zones concernées a clairement eu un impact positif

    Oeuvrer pour un plan de transformation du commerce

    Mettre en adéquation son offre commerciale avec les nouveaux comportements d’achat est la quête permanente de tout commerçant. Plusieurs pistes peuvent ici être suggérées pour l’aider dans cette démarche et surtout ne pas entraver ses initiatives (voir la partie 2 du rapport pour le détail des propositions).

    Citation E Becker

    1/ Attirer et fidéliser la clientèle

    Cela passe d’abord par la valorisation de l’expérience client, permettant ainsi d’améliorer l’offre du commerce de proximité :

    • Orienter l’approche clients dans la co-contruction de l’offre avec le fichier clientèle : tester la demande, réaliser des questionnaires…
    • Travailler la personnalisation de l’offre et profiler l’attente des clients : signature, conseils de l’équipe de vente, coup de cœur de l’équipe
    • Apprendre les méthodes de « sourcing » vers la recherche de nouvelles marques pour faire monter en qualité son offre
    • Inciter le commerce indépendant à développer des stratégies coopératives de baisse des coûts en recourant à des centrales d’achat pour le maintien des marges et coefficients
    • Etc

    Cela passe aussi par un encouragement ponctuel au recours au paiement fractionné pour anticiper la baisse de pouvoir d’achat. Les plateformes d’e-commerce ont amélioré les parcours d’achat des consommateurs en proposant des moyens de paiement innovants comme le paiement fractionné. Cette facilité permet d’étaler le coût de son achat et peut s’avérer attractive en période d’inflation sans devenir une pratique déguisée de crédit renouvelable.

    2/ Actions réglementaires à mener en faveur du commerce

    Plusieurs champs sont ici concernés.

    Le déploiement digital des commerces indépendants tout d’abord. Les possibilités sont ici nombreuses et doivent être encouragées. Parmi elles et pour n’en citer que deux : le maintien dans la durée du financement des formations comme des aides à l’investissement pour la numérisation des TPE/PME et le déploiement en soutien des commerçants de la présence d’étudiants dans le cadre des stages en entreprise.

    L’accompagnement à la transformation du commerce face au défi climatique et aux nouveaux usages de fréquentation des zones de chalandise ensuite. Là aussi plusieurs pistes sont envisageables, dont :

    • Prévoir une fiscalité adaptée, sous forme de crédit d’impôt, pour permettre aux professionnels de canaliser les augmentations de coûts de fabrication liés à de nouveaux modes de production et de recyclage respectueux de l’environnement
    • Faciliter le développement de l’affichage environnemental via des normes harmonisées

    Autre accompagnement, celui à la transformation du commerce face aux nouveaux usages de fréquentation des zones de chalandise :

    • Rester vigilant pour 2023 sur l’évolution des loyers commerciaux
    • Organiser le recrutement des managers de commerce pour maintenir l’activité des centralités commerciales tout comme celle de la périphérie dans les villes nécessitant le plus d’animation

    Enfin, on ne saurait trop insister sur certains impératifs :

    • Réguler l’implantation du quick commerce en centre-ville (organiser un développement apaisé des activités/ riverains en encourageant l’utilisation de modes de déplacement silencieux, prévoir l’implantation des espaces de logistique urbaine en centre-ville tout en favorisant le dialogue entre collectivités locales, distributeurs et spécialistes de la livraison à domicile pour trouver des lieux d’implantation adapté, etc.)
    • Veiller au maintien de l’accessibilité des lieux de vente en matière de restrictions de la circulation : au regard du cumul des mesures franciliennes et parisiennes en matière de restrictions de circulation, une étude d’impact devrait être requise afin d’anticiper les risques de désertification des zones de chalandise et une mise en perspective en termes de perte de clientèles et des risques d’exclusion sociale.
    • Renforcer l’attractivité touristique de la région capitale en classant Paris et l’Ile-de-France en zone touristique internationale (ZTI) et en améliorant l’attractivité de la détaxe et son usage dans les commerces des artères commerçantes et touristiques
    schéma 2

     

     

    Rapporteur : Edwige Becker
    Experte : Céline Delacroix

     

    janvier 2023

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