Parce que la digitalisation transforme toutes les structures productives et invalide nombre de raisonnements économiques et modèles d’entreprises, la CCI Paris Ile-de-France suggère de s’intéresser à la (re)localisation de la valeur.
Cette étude est téléchargeable au format pdf en bas de page
Raisonner par la valeur
À l’heure de la relance, les objectifs d’innovation et de compétitivité ne seront atteints qu’en ciblant des activités à forte valeur ajoutée dans un jeu gagnant pour l’entreprise, son client et l’écosystème national ou local. Cet impératif de localisation de la valeur ne doit, cependant, pas être compris au sens de « localisme » ou de repli sur soi. De même, cette notion d’activités à valeur ajoutée est indépendante de la notion de gamme.
Qu’est-ce qu’une activité à forte valeur ajoutée ? Quelques exemples ?
Dans l'industrie
reconfigurer, grâce aux logiciels, des produits finis en fonction des besoins-clients à partir de produits semi-finis standard
Dans la construction / BTP
choisir des matériaux et concevoir des infrastructures qui produisent de l'énergie et augmentent ainsi les services au client
Dans le commerce / distribution
prêter des vélos au lieu de les vendre ; une enseigne ne fera pas plus de chiffre d'affaires qu'en les vendant mais pourra augmenter sa marge en minorant largement ses coûts
Dans les services
dans la formation, développer des outils capables d'évaluer les niveaux de compétences des personnes qui veulent se former et, en fonction de ce que la machine aura détecté, définir les programmes de formation les plus adaptés ; dans la sécurité informatique, proposer un paquet de sécurité informatique assorti de services locaux pour garantir, par exemple, l'identité juridique
On conjugue souvent le verbe (re)localiser au présent et au futur de l’industrie
Les activités porteuses de valeur ne se recoupent pas toujours avec des activités manufacturières stricto sensu ; la grammaire de la valeur n’est plus la même qu’à l’ère pré-numérique ; il apparaît avec le déplacement de la valeur vers l’amont et l’aval du segment manufacturier que « la géographie de la production n’est pas forcément celle de la valeur ».
Par ailleurs, la valeur prend des formes de plus en plus immatérielles car le champ de la relation-client passe de l’avoir à l’être. C’est dire l’importance de faire du client, l’obsession, le point de départ de son offre et de son modèle économique.
Cette tendance devrait s’accélérer avec le basculement dans une économie associant, à la fois, produits, usages et expérience : le produit devient le point de départ de l’offre et la valeur se niche alors en d’autres endroits, notamment dans les services. Ce déport de la valeur du produit vers le service s’observe dans de nombreux secteurs si bien que l’on parle d’économie servicielle.
On oppose aussi souvent création de valeur à soutenabilité ou durabilité
Plus une entreprise va à la rencontre de son client sur ses usages, plus elle lui apporte une offre personnalisée qui se révèle davantage vertueuse que la production de masse. L'adoption de nouveaux procédés productifs et d’outils d’analyse des données-client peut permettre de se rapprocher du client en l'intégrant dès le début de la chaîne de valeur et en ne produisant pas plus qu'il ne faut (frugalité).
De même, plus une entreprise va à la rencontre de son client sur ses usages, plus son offre coïncide avec les attentes mais aussi les valeurs de ce client sur des sujets comme la RSE, l’éthique, etc.
Enfin, une large part des (re)localisations d’activités créatrices de valeur est celle qui intègre un fort contenu en innovation (relocalisations compétitives) sur la recyclabilité/durabilité ou l’efficience énergétique. Aujourd’hui, la valeur créée auprès du client est très liée au respect de la dimension environnementale.
Enfin, le lien entre création de valeur et souveraineté n’est pas toujours établi
En réalité, c’est en entrant dans des activités à forte valeur ajoutée que l’on peut transformer les rapports de force. On le voit dans l’agro-alimentaire où l’insuffisante inadéquation entre offre et demande, renforcée par le changement des modes de consommation, encourage les importations. A contrario, les concurrents étrangers « cumulent les atouts : plus compétitifs et/ou plus en adéquation avec la demande des consommateurs. Ceux-là mêmes qui, in fine, détiennent le véritable pouvoir ».
Le fait de regagner en compétitivité par des activités à forte valeur ajoutée permet de maîtriser davantage les différents maillons de sa chaîne de valeur et de réduire les vulnérabilités.
Avantages d’une approche par la valeur
- Différenciation par rapport à une concurrence chinoise par les coûts qui reste encore prégnante dans les relations avec le client final (e-commerce par exemple) comme dans les relations inter-entreprises
- Positionnement sur les segments qui feront la compétitivité de demain et, par conséquent, reconfiguration des chaînes de valeur à son avantage
- Adoption de technologies et de modèles économiques qui enrichissent la proposition de valeur au client (en B2C comme en B2B) et qui réconcilient les attentes du client et du citoyen (RSE, économie circulaire, éthique...)
Les problématiques des TPE-PME en termes de création de valeur
Inciter les entreprises, et plus particulièrement les TPE-PME, à enrichir les maillons de leur chaîne de valeur par des activités à plus forte ajoutée suppose de comprendre quels sont aujourd’hui les leviers pertinents pour créer de la valeur. On peut ici en recenser cinq :
- l’organisation des entreprises en écosystèmes,
- la place majeure à l’offre de services,
- la personnalisation de l’offre au client,
- la construction d’un business model sur d’autres marqueurs (que le prix),
- la transformation du capital humain.

Source : Fontagné, Lionel (2021), « Comment réindustrialiser la France ? » in : La France est-elle toujours dans la course technologique ?, Les Cahiers du Cercle, Cercle des Économistes, 8 avril
Or, sur ces leviers, les TPE-PME rencontrent plusieurs difficultés :
- elles pâtissent de difficultés humaines ou organisationnelles pour mener la transformation digitale, productive et de modèles d’affaires,
- elles ne se connaissent pas trop entre elles ; comme beaucoup d’entreprises, elles ne vont pas forcément vers des coopérations gagnantes pour tous les acteurs de la chaîne,
- elles ont largement rattrapé leur retard en termes de digitalisation avec la crise mais connaissent des différences entre secteurs, tailles et profils d’entreprises,
- elles restent attachées à la culture de la marge d’entrée dans les systèmes de gestion et dans les indicateurs-clés de performance (KPI) au détriment d’autres approches,
- elles subissent des difficultés de recrutement croissantes avec la pandémie,
- et elles peinent à trouver des solutions performantes en matière de transport de proximité.
Propositions de la CCI Paris Ile-de-France pour (re)localiser la valeur
Pour encourager les entreprises et plus particulièrement les TPE-PME à enrichir leurs activités et à territorialiser cette valeur ajoutée au plus près du client, la CCI Paris Ile-de-France formule donc un ensemble de recommandations autour de cinq axes (voir le détail dans le pdf en bas de page) :


- Encourager le développement d’autres marqueurs que le prix (dans les politiques d’achat comme dans l’opinion publique)
- Apporter des solutions aux difficultés systémiques telles que l’accès facilité au capital humain et la question du transport/ logistique
Actions concrètes auprès des entreprises franciliennes
Sachant que certaines évolutions relèvent de l’action des organismes d’accompagnement, la CCI Paris Ile-de-France se propose, en outre, d’initier ou de développer des projets auprès des entreprises franciliennes.
- Démultiplier les Master Class pour les dirigeants de TPE-PME franciliennes
- Organiser un réseau des réseaux de la CCIR pour tirer le potentiel des collectifs existants ; c’est l’objet des Reliance Days organisés par la CCIR en octobre 2021
- Déployer une offre régionale d’innovation ouverte à l’échelle de la CCIR ; ESIEE IT Project Lab peut être une source d’inspiration
Rapporteurs : Philippe GOETZMANN et Jean-Michel TASSE
Experte : Corinne VADCAR
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septembre 2021
La compétitivité des entreprises et des territoires passe par le développement d’activités à forte valeur ajoutée