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Prérogatives politiques des minoritaires de SARL et de SA

Lettre CREDA-sociétés 2018-05 du 11 avril 2018

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Le décret du 28 février 2018 est venu préciser les modalités d'exercice des prérogatives politiques nouvelles à disposition des associés minoritaires de SARL et de SA.

 

Cette lettre est téléchargeable au format pdf en bas de page

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La loi Sapin II avait habilité le gouvernement à prendre par voie d’ordonnance les mesures visant à faciliter la prise de décision et la participation des associés de SARL et de SA. L’ordonnance du 4 mai 2017 qui en a résulté contenait certaines dispositions devant être précisées par décret. Il aura fallu attendre la parution du  décret du 28 février 2018 pour que ces mesures deviennent applicables.

Ce texte vise d’une part à préciser les conditions auxquelles les associés de SARL détenant seuls, ou à plusieurs, plus d’un vingtième des parts de la société peuvent faire inscrire à l’ordre du jour de l’assemblée des points ou des projets de résolution.

D’autre part, il fixe les conditions dans lesquelles les statuts de SA non cotées peuvent prévoir que les assemblées générales se tiennent exclusivement par visioconférence ou par moyens de télécommunication.

Droit pour les associés d’une SARL de demander l’ajout de point à l’ordre du jour ou de projet de résolution

Les associés de SARL disposent désormais de la possibilité d’inscrire, pour n’importe quelle assemblée, un point à l’ordre du jour ou un projet de résolution (art. L. 223-27 C.com.).

L’associé qui entend se prévaloir de cette prérogative doit avant toute chose obtenir de la société qu’elle l’informe de la date prévue pour la réunion de l’assemblée (art. R. 223-20-2 C.com.). Cette mesure présente une première difficulté si la SARL n’a pas encore fixé avec précision la date de l’assemblée.

L’associé doit, pour ce faire, envoyer sa demande par lettre simple, par lettre recommandée ou par courrier électronique.

La SARL doit lui répondre par l’un de ces trois moyens.

Toutefois, il n’y a pas de parallélisme des formes.

La SARL n’a l’obligation de répondre à l’associé par lettre simple ou recommandée que s’il « lui a adressé le montant des frais d’envoi de cette lettre » (art. R. 223-20-2 C.com.). Le mode de réponse privilégié de la SARL sera donc sans doute le courrier électronique – gratuit – sauf si l’associé demandeur a été particulièrement prévenant.

Le texte est toutefois silencieux sur deux points.

  • D’abord, quant au délai dans lequel doit intervenir la réponse. On ne pourra que se fier au standard du délai raisonnable pour déterminer si la réponse est tardive ou non.
  • Ensuite – et c’est peut-être plus gênant – aucune sanction n’est prévue si la SARL ne répond pas. La responsabilité du gérant serait sans doute la sanction la plus envisageable (art. L. 223-22 C.com.).

L’associé peut, après réception de la réponse de la SARL, demander l’inscription d’un point à l’ordre du jour ou d’un projet de délibération, par lettre recommandée avec demande d’accusé de réception ou courrier électronique avec accusé de réception, adressé au moins vingt-cinq jours avant la tenue de l’assemblée (art. R. 223-20-3 C.com.).

L’inscription du point à l’ordre du jour doit être motivée, et le projet de résolution doit être accompagné du texte du projet, éventuellement assorti d’un exposé des motifs.

Le parallèle avec le droit des sociétés anonymes – déjà bien présent dans les mesures précédemment évoquées – est patent, le nouvel article reprenant textuellement celui applicable aux SA (art. R. 225-71 C.com).

Une fois les demandes d’inscription envoyées, le décret dispose que les points et projets de résolutions « sont inscrits à l’ordre du jour » et soumis au vote (art. R. 223-20-3 C.com.) pour autant qu’il « a été satisfait aux obligations » précédemment abordées. En d’autres termes, un point non motivé ne peut être inscrit à l’ordre du jour.

Mais qu’en est-il du point peu ou mal justifié ? Le texte fixe une condition formelle et non de fond. Par conséquent, un point à l’ordre du jour mal ou peu motivé respecte la condition réglementaire. Il doit alors être mis à l’ordre du jour, sans que le gérant ne puisse s’y opposer.

La gérance ne bénéficiant d’aucun pouvoir pour contrôler – ou endiguer – les initiatives d’associés, on voit déjà poindre la possibilité pour des associés minoritaires de proposer chaque année la révocation du gérant avec lequel ils sont en conflit. L’initiative politique accordée aux minoritaires par ce décret pourrait donc, si elle est mal conduite, dégénérer.

Droit d’opposition des actionnaires d’une SA non cotée à la tenue d’une AG dématérialisée

Le décret vient également préciser les mécanismes selon lesquels les actionnaires d’une SA ou d’une SCA non cotée peuvent s’opposer à ce que l’assemblée générale se déroule exclusivement par visioconférence ou par des moyens de télécommunication.

Le décret distingue selon que les dispositions statutaires accordent un tel droit d’opposition avant ou après la convocation à l’assemblée générale.

Si les statuts stipulent que le droit d’opposition s’exerce avant la convocation, le décret dispose que la société doit aviser les actionnaires de la date prévue pour l’assemblée au moins 35 jours avant celle-ci (art. R. 225-61-2 C.com.)

Ce texte introduit donc une nouvelle obligation pour ces sociétés : celle d’adresser un avis de réunion à leurs actionnaires.

Un ou plusieurs actionnaires détenant au moins 5 % du capital social peuvent alors communiquer leur opposition à la tenue d’une assemblée générale uniquement dématérialisée par LRAR ou courriel avec avis de réception, au moins 25 jours avant la date de l’assemblée.

La société doit alors déterminer le lieu dans lequel se tiendra l’AG, dans l’avis de convocation envoyé par la suite.

Si les statuts stipulent que le droit d’opposition doit s’exercer après la convocation, la procédure est plus ramassée

L’avis de convocation doit rappeler l’existence du droit d’opposition et ses conditions d’exercice.

Le droit d’opposition doit alors s’exercer dans un délai de sept jours à compter de la publication de l’avis de convocation ou de l’envoi de cet avis aux actionnaires (art. R. 225-61-3 C.com.).

Une fois l’opposition formulée, la société doit aviser du lieu de la tenue de l’assemblée générale, au plus tard 48 heures avant la tenue de l’assemblée (art. R. 225-61-3 C.com.).

Il ne faudra pas alors perdre de vue un élément essentiel : l’opposition n’empêchera nullement l’assemblée de se réunir, mais elle ne pourra plus se tenir exclusivement par voie dématérialisée.

 

Matthieu Zolomian
Maître de conférences à l’université Jean Monnet

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