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Gestion des déchets par les commerçants d'Ile-de-France

Concilier les enjeux économiques et les impératifs écologiques

Gestion des déchets H1 Gestion des déchets H2

La transition écologique est un enjeu incontournable et un levier de compétitivité pour les entreprises, quel que soit leur secteur d’activité. Elles sont d'ailleurs engagées de longue date, notamment concernant la prévention et la gestion des déchets. Les obligations en la matière n'ont cessé de se multiplier depuis le début des années 1990 et sous l’impulsion de la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage pour une économie circulaire dite « loi AGEC ».

Les professionnels les plus particulièrement impactés sont ceux des commerces, cafés, hôtels et restaurants. Tous sont volontaires et conscients des enjeux mais face aux contraintes organisationnelles et financières, le contexte réglementaire et opérationnel des entreprises gagnerait à être clarifié.

Etat des lieux de la réglementation et des objectifs à atteindre en matière de prévention et de réduction des déchets

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Rapport déchets

 

Enjeu majeur du XXIe siècle, la transition écologique impose de revoir l’organisation des entreprises mais aussi les modes de consommation. En matière de gestion des déchets, l’accent est mis sur la prévention, le tri et le recyclage. A titre d'exemple, la loi AGEC prévoit à l'échelle nationale la fin progressive de tous les emballages en plastique à usage unique d’ici 2040 ou encore le réemploi de 5 % des emballages mis sur le marché en France en 2023.

Des objectifs ambitieux et des échéances proches... Cela nécessite de faire appel à de nouveaux outils et de repenser les habitudes comme l’ensemble d’un système. D'où la mobilisation de plusieurs leviers par l’Etat. Tous sont plus ou moins connus des entreprises mais leur mise en œuvre à grande échelle est loin d'être généralisée.

Leviers en amont de la collecte des déchets :

  • l’éco-conception qui passe, par exemple, par la diminution de la masse de l'emballage ou l'augmentation de la recyclabilité
  • l’extension des filières de Responsabilité Elargie aux Producteurs (REP, reposant sur le principe « pollueur-payeur »), notamment celle des emballages professionnels issus du secteur de la restauration
  • la responsabilité sociale environnementale (RSE) par laquelle les entreprises identifient les risques environnementaux et sociétaux résultant de leur activité, de celle de leurs filiales, de leurs fournisseurs et de leurs sous-traitants.

Leviers en aval de la collecte des déchets :

  • l’obligation de tri de 5 à 9 flux : en 2016 cela visait le papier, le carton, le métal, le plastique, le verre et le bois. D'autres flux ont été ajoutés ou le seront, comme le tri des textiles programmé pour le 1er janvier 2025
  • la consigne pour réemploi : emballage pour lequel l'acheteur verse une somme d'argent (la consigne) qui lui est rendue lorsqu'il retourne l'emballage afin que ce dernier soit réemployé
  • la consigne pour recyclage : en échange d'une contrepartie (financière par exemple), les consommateurs rapportent leurs contenants vides en vue de leur recyclage
  • la collecte des biodéchets : déchets alimentaires ou végétaux. Ils représentent 30 % des déchets ménagers en France (source : Ademe)

Le commerçant joue un rôle fondamental dans la gestion des déchets produits par son activité, d'autant qu'il doit faire de la prévention et de la sensibilisation auprès de sa clientèle. Sur ce dernier point, les obligations des professionnels se sont intensifiées depuis 2016 :

Gestion des déchets

 

Relever les nouveaux enjeux liés à la gestion des déchets

L'Ile-de-France c'est 153 000 commerces et près de 33 782 établissements de restauration (cf. chiffres du Centre régional d'observation du commerce, de l'industrie et des services-Crocis). La production de déchets et biodéchets qui en sont issus est aujourd'hui encore difficile à mesurer, notamment car une grande partie est assimilée aux déchets ménagers et est donc collectée par le service public. Le chiffrage des « déchets d'activités économiques » (DAE) correspond donc à ceux des gros producteurs, qui ont recours à des opérateurs privés, et à ceux de plus petites structures dont certains flux (cartons, huiles usagées...) peuvent faire l'objet de collectes séparées.

Les contraintes économiques

Les actions visant à améliorer la gestion des déchets engendrent des coûts financiers à la charge des entreprises qui semblent avoir été sous-estimés (embauche de personnel formé, achat de matériel adapté, travaux de mise en conformité, immobilisation d’espace…). Des difficultés non négligeables alors même que les échéances se rapprochent. Par exemple, la contrainte temps peut s'avérer lourde au regard du rythme de réception des marchandises, en particulier dans la distribution alimentaire avec l'achalandage des rayons et le tri supplémentaire dans un secteur où les cadences sont déjà importantes.

A ces contraintes, s'ajoute une tarification locale souvent inadaptée, notamment avec le paiement de la Taxe d’Enlèvement des Ordures ménagères (TEOM), calculée sur la base de l’empreinte foncière et non pas sur le volume de déchets produits.

Autre questionnement, celui de l'absence de modèle d'affaires abouti concernant de nouveaux modèles économiques, tels que la collecte des biodéchets et la vente en vrac. Sur la première, on peut redouter que la concurrence accrue entre acteurs d'un marché encore immature aboutisse à la fragilisation des contrats conclus par les commerçants. Sur la seconde -la vente en vrac- c'est un dispositif encore en devenir (entretien des rayons chronophage, offre de produits limitée car les marques nationales sont encore réticentes...).

schéma 3

 

Le casse-tête logistique de la gestion des déchets

La gestion des déchets soulève des difficultés spécifiques dont il faut bien avoir conscience si on veut la rendre performante et efficiente.

Pour ne mentionner que la problématique des biodéchets, il est clair que la multiplication des collectes risque d’entraîner une congestion de la voirie et un encombrement de l’espace public, aggravé par l’obligation de collecte séparée impliquant l’installation de bacs dédiés. En zone dense, les professionnels se trouvent rapidement limités par des contraintes d’espaces. C’est particulièrement vrai pour les établissements de restauration rapide qui doivent prévoir de la place pour stocker de la vaisselle réemployable.

Par ailleurs, la formation aux nouveaux gestes de tri, à la gestion des déchets et au respect des règles d’hygiène est chronophage pour l’employeur qui doit sans cesse s’adapter dans un contexte où le turn-over des employés est important. Plus globalement, l’acculturation des professionnels est encore insuffisante face à l’émergence de nouvelles pratiques comme la consigne, le compostage ou encore la méthanisation.

Enfin, les normes de réduction et de réemploi des emballages se heurtent à des normes d’hygiène très contraignantes qui peuvent menacer la réputation d’un établissement si elles ne sont pas respectées.

Des objectifs de réduction et de gestion des déchets qui répondent à des attentes sociétales mais qui cristallisent de nombreux enjeux politiques

Les collectivités locales sont souvent loin d’être prêtes pour appliquer l’ensemble des obligations en matière de collecte et de réduction des déchets. Elles ont alors tendance à prioriser la sensibilisation et la mise en place d’action à destination des particuliers.

D’autant que les nouveaux équipements devant être implantés peuvent faire l’objet d’un rejet de la part de la population (impact de la méthanisation...).

Enfin, certains leviers sont considérés comme trop expérimentaux. Ainsi la consigne pour recyclage aboutit parfois à une complexification du tri et est coûteuse à mettre en place, même si ses bénéfices en termes de gisement des matériaux collectés sont réels. Autre questionnement, celui sur l’intérêt environnemental de la réutilisation des emballages qui dépend de nombreux facteurs dont la standardisation des contenants et l’optimisation des distances.

Faciliter et accompagner la gestion des déchets des commerces et CHR : les recommandations de la CCI Paris Ile-de-France

Si l’on peut craindre que les échéances de mise en œuvre des objectifs nationaux soient difficilement respectées, il est nécessaire d’amorcer une réflexion sur la création et le développement d’un écosystème favorable à la mise en conformité des commerçants, cafés, hôtels, restaurants. Il est indispensable de :

  • Sensibiliser, informer et former massivement les entreprises via des actions telles que la distribution de « guide de bonnes pratiques » ou encore l’organisation d’ateliers
  • Sensibiliser et communiquer auprès des citoyens à travers des messages nationaux pour pérenniser les bons gestes en matière de réduction des déchets
  • Faciliter la mise en relation des commerçants et CHR avec les prestataires privés
  • Alerter les professionnels sur le contenu des contrats et engagements souscrits
  • Valoriser les initiatives locales des commerçants pour ériger des modèles inspirants et accélérer le passage à l’action comme c’est le cas avec l’organisation des éco-défis

Repenser les logiques organisationnelles de la collecte des déchets est également essentiel pour atteindre les objectifs fixés par la loi AGEC et accompagner les professionnels. Il est préconisé de :

  • Préserver un socle minimal de service public de collecte pour les TPE émettant de faibles quantités de déchets et ce, en incluant la collecte des biodéchets
  • Repenser le service de collecte en incitant les collectivités à revoir à terme le dimensionnement des poubelles des professionnels et la fréquence des collectes pour s’adapter aux nouvelles réglementations et inciter au tri
  • Privilégier l’expérimentation des solutions sur le « temps long » pour estimer leur faisabilité avant de les rendre obligatoires en pensant un modèle économique sur toute chaîne
  • Apporter des soutiens financiers et matériels adaptés comme le financement de diagnostic déchets pour les entreprises, le déploiement davantage de postes de manager de centre-ville ou encore l’octroi de crédit d’impôts pour les professionnels engagés dans les nouveaux gestes de tri
  • Encourager la mutualisation de la collecte entre professionnels pilotée par un manager de centre-ville pour encadrer la mise en place du dispositif et le pérenniser
  • Mesurer les conséquences organisationnelles de la consigne en tenant compte des spécificités des commerces situés en zone urbaine dense avant de rendre la consigne pour réemploi obligatoire

Afin d’encourager les professionnels à s’investir dans le tri à la source et réduire le nombre de déchets produits, des conditions structurelles doivent être aménagées pour faciliter la mise en œuvre de ces nouvelles obligations. Il s’agit notamment de :

  • Impliquer et responsabiliser les concessionnaires de marchés dans la gestion des déchets en exigeant des bilans annuels chiffrés sur les déchets collectés et en insérant des clauses relatives à l’obligation de tri dans les contrats
  • Prévoir une capacité de méthanisation en adéquation avec les volumes de déchets franciliens à traiter puisqu’à l’horizon 2026, seulement 50 % du gisement francilien pourra être absorbé
  • Repenser et optimiser la tarification locale pour les entreprises ne faisant pas appel au service public de collecte en prévoyant notamment l’exonération de la Taxe d’Enlèvement des Ordures Ménagères (TEOM), en instaurant TEOMi pour calculer la taxation sur les volumes de déchets réellement collectés ou encore en harmonisant l’application de la Redevance spéciale (RS) pour les commerçants et CHR
  • Agréer dans les meilleurs délais l’Eco-organisme de la Responsabilité élargie des producteurs pour les emballages utilisés par les CHR

Auteur : Fréderic Amblard
Expertes : Céline Delacroix et Andréa Ribeiro

Pour en savoir plus :

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janvier 2024

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