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Combattre les fraudes au détachement transfrontalier de travailleurs au sein de l’Union Européenne

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La CCI Paris Île-de-France soutient l’initiative de la Commission Européenne tendant à la révision de la directive 96/71 relative au détachement transfrontalier de travailleurs au sein de l’Union Européenne afin de limiter le dumping social que constituent les trop nombreux cas de fraude constatés.

En ce sens, elle propose que le détachement soit nécessairement précédé d’une période préalable d’emploi du salarié d’au moins 3 mois, strictement limité à 24 mois et interdit s’agissant du détachement d’un travailleur sur le territoire sur lequel il réside habituellement.

Afin de garantir la protection dans toute l'Union européenne des droits et des conditions de travail d'un salarié détaché, et afin d'éviter le "dumping social", la directive 96/71 prévoit, notamment, un noyau dur de dispositions que le prestataire de services doit respecter dans l’État membre d’accueil pendant toute la durée du détachement (durée du travail, périodes de repos, congés payés, salaire minimal, santé, etc.).

Dans ce cadre, le Code du travail français impose aux prestataires étrangers intervenant sur le territoire national de nombreuses exigences de fond et de forme.

Malgré ce maillage juridique et administratif, et alors que la pratique du détachement transfrontalier est en plein essor au sein de l’Union européenne (+44% entre 2010 et 2014) et en France (286.025 travailleurs détachés en 2015, + 25% par rapport à 2014), les cas de fraudes se multiplient. On estime ainsi entre 200 000 et 300 000 le nombre de travailleurs illégalement détachés en France chaque année.

Dans ce contexte, la Commission Européenne propose de réformer la directive 96/71 notamment en : remplaçant la notion de "taux de salaire minimal" par une référence à la "rémunération", incluant désormais tous les accessoires de la rémunération dans un souci de réduction du différentiel de coût du travail ; rendant les conventions collectives d’application générale (les conventions collectives étendues au sens du droit français) applicables à tous les travailleurs détachés et ce dans tous les secteurs de l’économie.

Dans le prolongement de ses précédents travaux, la CCI Paris Île-de-France porte deux messages-clefs :

1. Insuffisance de la directive 96/71 pour circonscrire le « dumping social »

Face à l’enjeu du juste équilibre entre, d’une part, la mise en œuvre au sein de l’Union Européenne des principes de libre circulation de la main-d’œuvre et de libre prestation de services et, d’autre part, la préservation de conditions saines et loyales de concurrence, la directive 96/71 est insuffisante pour circonscrire seule la problématique du "dumping social".

  • En premier lieu, son champ d’application ne comprend que les travailleurs salariés et le droit du travail, ce qui en exclut les travailleurs indépendants et la protection sociale.
  • En second lieu, l’efficacité de la lutte contre le « dumping social » dépend essentiellement de la volonté politique des États membres de promouvoir la protection des travailleurs salariés.

2. Nécessité de renforcer la protection des travailleurs salariés

La CCI Paris Île-de-France soutient la proposition de révision de la directive 96/71 à laquelle les entreprises demeurent particulièrement attachées.

Néanmoins, si les propositions de la Commission européenne vont dans le sens d’une harmonisation des législations nationales sur le socle minimum d’obligations de l’État d’accueil opposables à l’employeur ou d’alignement des conditions de travail des salariés intérimaires nationaux et détachés, elles n’auront que peu d’impact en France.

En effet, des dispositions similaires existent déjà dans la réglementation, le législateur ayant saisi la faculté ouverte par la directive 96/71 de renforcer les conditions d’accès au marché du travail national.

La CCI Paris Île-de-France juge que de nouvelles dispositions doivent être insérées dans la directive 96/71 afin de circonscrire encore davantage les cas de fraude.

Concrètement, la CCI Paris Ile-de-France formule les propositions suivantes :

1.   Ajouter un critère exigeant une durée de travail préalable au détachement minimale de trois mois au sein de l’entreprise prestataire

Pour remédier aux abus, il conviendrait de prévoir qu’un travailleur ne pourrait être détaché dans le cadre d’une prestation de services transnationale qu’à partir d’une certaine ancienneté acquise avant le début de chaque prestation de services dans l’entreprise prestataire.

Instaurer une durée d’ancienneté minimale de trois mois constituerait, conformément à la jurisprudence communautaire, une atteinte paraissant justifiée et proportionnée à la libre prestation de services qui permettrait de réduire les détournements du dispositif.

2.   Limiter le détachement transfrontalier de travailleurs à une durée maximale de 24 mois

La Commission européenne propose l’introduction d’un article 2 bis lorsque le détachement est d’une durée prévue ou effective supérieure à 24 mois, selon lequel l’État membre d’accueil est réputé être le pays dans lequel le travail est habituellement accompli. En application des dispositions du Règlement Rome I, le droit du travail de l’État membre d’accueil s’appliquera donc intégralement au contrat de travail de ces travailleurs détachés.

Cette solution a certes le mérite de rappeler la nature temporaire du détachement. Il n’en reste pas moins que :

  • les parties pourront toujours, conformément aux dispositions du Règlement Rome I, choisir l’application d’une loi différente de celle de l’État membre d’accueil ;
  • la nouvelle règle ne s’applique qu’aux travailleurs détachés pour une durée minimale de 6 mois.

Compte tenu des limites du dispositif proposé, la CCI Paris Île-de-France préconise pour sa part une solution plus ferme, proscrivant le détachement de travailleurs dans le cadre d’une prestation de services transnationale d’une durée supérieure à 24 mois.

3.   Interdire le détachement d’un travailleur dans l’État membre au sein duquel il réside habituellement

Parmi les cas de fraude nouvellement constatés, on relève la situation dans laquelle un travailleur résidant et travaillant habituellement dans un État membre est embauché par une entreprise d’un autre État membre, le plus souvent une entreprise de travail temporaire ou une structure « coquille vide », dans le seul but de le détacher, à moindre coût, dans son État membre d’origine. Ce sont ainsi chaque année plus de 17 000 français qui sont détachés en France alors qu’ils y ont leur résidence habituelle, soit 8% des salariés détachés en France.

Afin de supprimer ces situations assimilables à du "trading de travailleurs low-cost", la directive 96/71 devrait interdire le détachement d’un travailleur dans l’État membre au sein duquel il réside et exerce habituellement son activité.

Rapporteur : Corinne VIEILLEMARD
Experte : Aurélie MARSEILLE

juin 2016

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