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Codification des sociétés cotées dans le Code de commerce. Bien mais peut mieux faire ?

Lettre CREDA-sociétés 2020-11 du 30 septembre 2020

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L’ordonnance du 16 septembre 2020, prise en vertu d’une disposition d’habilitation de la loi Pacte du 22 mai 2019 crée un nouveau chapitre au sein du Code de commerce consacré exclusivement aux sociétés "dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation".

 

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Proposée par le Haut Comité Juridique de la place financière de Paris dans un rapport de 2018, cette réforme place notre droit dans la droite ligne du droit britannique dont une réforme de 2006 a consisté à reconnaître la spécificité de ces sociétés. Il y a lieu de se réjouir du principe d’une telle modification, mais aussi de s’interroger la méthodologie choisie, le résultat n’étant peut-être pas aussi abouti et lisible qu’évoqué dans le rapport fait au Président de la République.

Une reconnaissance tardive, mais bienvenue

Il n’est pas nécessaire de rappeler à quel point la reconnaissance d’une autonomie des sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé ou sur un SMN était souhaitée, celle-ci étant acquise aux yeux du législateur européen au regard du nombre de textes de droit dérivé applicables à ces seules sociétés (voir notamment la directive 2007/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 concernant l’exercice de certains droits des actionnaires de sociétés cotées et la directive 2017/828 du Parlement européen et du Conseil du 17 mai 2017 modifiant la directive 2007/36/CE en vue de promouvoir l’engagement à long terme des actionnaires).

Pouvant être de différentes formes – sociétés anonymes, sociétés en commandite par actions, sociétés européennes et même SAS dès lors que celle-ci émet des obligations négociées sur les marchés – ces sociétés attirent l’attention du législateur. Depuis plus d’une vingtaine d’années, ont fleuri les paragraphes, alinéas ou autres articles spéciaux visant exclusivement ces sociétés cotées, placés au milieu de textes réglementant plus généralement chaque forme sociale.

Il fallait ainsi faire preuve d’une certaine gymnastique intellectuelle pour déterminer quel article – ou quel alinéa – était exclusivement applicable aux sociétés non cotées, exclusivement applicable aux sociétés cotées, ou applicable aux deux.

La création d’un nouveau chapitre au sein du Livre II du Code de commerce propre aux sociétés cotées, aux articles L. 22-10-1 et suivants, participe donc de l’accessibilité et de la lisibilité du droit des sociétés.

Effectuée à droit constant, cette codification des sociétés cotées n’opère aucune modification substantielle : elle consiste en l’introduction de 77 articles reprenant des textes préexistants au sein du Code de commerce, et la création d’un nouvel article aux termes duquel : « Les sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation sont régies par les règles applicables à leur forme sociale, sous réserve des dispositions du présent chapitre ».

Afin de faciliter l’adaptation des praticiens, une table de concordance est même communiquée par la Direction des affaires civiles et du sceau. Pour autant, il n’est pas certain que cette ordonnance simplifie réellement la vie des entreprises, notamment quant aux conséquences formelles de cette nouvelle codification.

Des écueils formels

L’ordonnance du 16 septembre 2020 ajoute un dixième chapitre au Titre II du Livre II du Code de commerce, composé de textes préexistants qui ont été renumérotés. Trois remarques peuvent être formulées.

  • Tout d’abord, ce dixième chapitre s’insérant logiquement après le neuvième, il fallait trouver une numérotation s’insérant après les articles L. 229-1 et suivants (Livre II, Titre II, Chapitre IX), mais avant les articles L. 231-1 et suivants (Livre II, Titre III, Chapitre I). L’article L. 230-1 ne pouvait être utilisé par les rédacteurs de l’ordonnance en raison de la structure du Code – cet article correspondant au Titre III du Livre II – il fallait trouver une numérotation permettant de conserver la logique de l’ordonnance du 18 septembre 2000 portant recodification du Code de commerce.
    C’est ainsi que sont créés les articles L. 22-10-1 et suivants, correspondant aux articles contenus dans le Livre II, Titre II, Chapitre X. La logique initiale de la codification est respectée, mais affirmer que 229 précède 22-10, qui lui-même précède 231, dépasse les limites de la logique arithmétique. S’il est exact que cette structure d’article n’est pas inédite – la loi Hamon du 31 juillet 2014 ayant déjà créé les articles L. 23-10-1 et suivants et L. 23-11-1 et suivants –, il n’en demeure pas moins que cette numérotation interpelle et n’est pas aisée à retenir.
    La lisibilité avancée par le Rapport au Président de la République n’apparaît alors plus aussi évidente.
  • Ensuite, l’extraction de certains articles des chapitres concernant les sociétés anonymes et en commandite par actions puis leur insertion dans un chapitre dédié aux sociétés cotées peut-être source de complexité.
    S’il est vrai que ce nouveau chapitre X regroupe les textes relatifs aux sociétés cotées, ceux-ci représentent pour partie une dérogation ou un complément à certains textes propres aux sociétés anonymes (chapitre V) ou en commandite par actions (chapitre VI). Pour prendre la mesure de ces textes du nouveau chapitre X, il conviendra alors de les lire à la lumière de ceux des chapitres V et VI, et donc faire des allers-retours entre ceux-ci. Il n’est pas certain que la simplification, objectif tant de fois poursuivi, soit réellement atteinte par cette ordonnance.
  • Enfin, certains doutes peuvent aussi apparaître à propos de l’accessibilité du Code de commerce, une fois que l’ordonnance entrera en application. Celle-ci abroge 26 articles au sein des chapitres consacrés aux sociétés anonymes et aux sociétés en commandite par actions, pour les replacer dans le nouveau chapitre. Ces nouvelles abrogations, couplées à celles opérées par les textes précédents, aboutissent à une numérotation discontinue de certains chapitres. Pour s’en assurer, il suffit de prendre deux exemples :
    l’article L. 225-228 suit immédiatement l’article L. 225-218
    l’article L. 225-243 vient immédiatement après l’article L. 225-232.

Ces exemples peuvent relever de l’anecdote, mais ils caractérisent bien une situation de plus en plus fréquente au sein du Livre II du Code de commerce, dont la numérotation est de moins en moins cohérente et de moins en moins accessible.

Ces deux constats doivent mener à une interrogation : n’est-il pas temps de recodifier le Code de commerce, ou a minima son livre II ? Si elle était opérée à droit constant, cette recodification – qui serait à vrai dire une renumérotation – ne serait pas inédite, d’autres Codes ayant fait l’objet d’une telle mesure, tel le Code de la consommation par l’ordonnance du 14 mars 2016. Si cette recodification était envisagée plus largement, elle serait aussi l’occasion d’opérer une réforme d’ampleur du droit des sociétés, près de vingt ans après la loi Nouvelles régulations économiques.

Matthieu ZOLOMIAN
Maître de conférences à l’Université Jean Monnet – Saint-Etienne

 

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