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Comment éviter que le covid-19 ne s'invite aux assemblées générales d'actionnaires ?

Lettre CREDA-sociétés 2020-06 du 8 avril 2020

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L'ordonnance n° 2020-321 du 25 mars 2020 assouplit les règles légales en prévoyant la possibilité de tenir des AG hors la présence physique des associés quand bien même les statuts ne l'auraient pas prévu.

 

Cette lettre est téléchargeable au format pdf en bas de page

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Dans toutes les sociétés anonymes (SA), une assemblée générale (AG) doit se tenir au moins une fois par an, dans les 6 mois qui suivent la clôture de l’exercice (C.com., art. L. 225-100 I). C’est un moment important dans la vie sociale.

En effet, l’assemblée générale ordinaire (AGO) est compétente pour toutes les questions n’impliquant pas une modification statutaire, la principale d’entre-elles consistant à approuver les comptes de l’exercice précédent. En outre, lors de l’AG, les actionnaires peuvent prendre la parole, critiquer la gestion de la société et aussi décider des orientations futures de son activité. L’AGO se prononce également sur une question sensible pour les actionnaires : la distribution d’un dividende et son paiement.

C’est pourquoi l’AGO est soumise à un formalisme précis, qui tend, notamment, à protéger les actionnaires minoritaires. La non-convocation des actionnaires est d’ailleurs sanctionnée pénalement, tout comme l’absence de l’un des documents nécessaires pour la tenue de l’assemblée.

Dans le contexte de la crise sanitaire sans précédent provoquée par le Covid 19, le Président de la République a décidé le 16 mars 2020 de prendre des mesures pour réduire à leur plus strict minimum les contacts et les déplacements. Qu’en est-il alors de la tenue des AG annuelles prévues au printemps ?

Les dispositions du Code de commerce

Deux possibilités au moins existent : reporter les AGO à une date ultérieure en présentant une requête au président du tribunal de commerce dont dépend le siège de la société (C.com., art. L. 225-100 I et art. R. 225-64), ou les dématérialiser.

S’agissant de la digitalisation de l’AG, il convient de rappeler que celle-ci est possible dans les SA depuis la loi NRE du 15 mai 2001. Elle est même encouragée désormais en Europe par la directive « Droits des actionnaires ».

En réalité, plusieurs étapes dans la digitalisation d’une AG sont envisageables : envoi / demande de convocation par email, envoi par email des projets de résolution, vote à distance, vote par procuration ou encore participation aux débats et vote par visioconférence.

Pour cela, plusieurs conditions doivent être réunies.

D’abord, un accord préalable des actionnaires intéressés est nécessaire pour recourir à la télécommunication électronique en lieu et place d’un envoi postal pour satisfaire à différentes formalités (convocation, demande d’avis de convocation, inscription de projet de résolution à l’ordre du jour et envoi de documents et de renseignements requis par la loi) ; la société n’a pas besoin de l’avoir prévu dans ses statuts.

En revanche, une modification des statuts est nécessaire, le cas échéant, pour toutes les hypothèses de vote en ligne ; une clause statutaire doit en effet prévoir la participation à l’assemblée par des moyens de télécommunication permettant l’identification des actionnaires (C. com., art. L. 225-107 II). Si tel est le cas, les actionnaires peuvent participer aux débats et voter à distance, les statuts pouvant limiter cette possibilité à certaines AG. Le dispositif applicable aux sociétés non cotées est un peu plus souple (C.com., art. L. 225-103-1).
Des contraintes informatiques s’ajoutent aux exigences juridiques.

En effet, les sociétés qui permettent aux actionnaires de voter par des moyens électroniques de télécommunication doivent aménager un site exclusivement consacré à cette utilisation (C.com., art. R. 225-61). Afin de garantir la participation effective à l'assemblée des actionnaires à distance, ces moyens doivent transmettre au moins la voix des participants et permettre la retransmission continue et simultanée des délibérations (C.com., art. R. 225-97).

Il est également nécessaire d’identifier les actionnaires qui se manifestent, et connaître les droits de vote dont ils disposent.

Concrètement, la société doit disposer d’un système d’échange de mails sécurisé et d’un site internet uniquement dédié au vote et sécurisé par un tiers certificateur.

Indépendamment de l’épidémie du coronavirus et de ses conséquences pour les sociétés, notons que l’avantage majeur du vote électronique tient au fait qu’il permet de diffuser très largement l’AG et de maximiser le taux de participation. Il présente donc le double avantage d’informer les actionnaires et de les inciter à voter, en facilitant le processus pour les porteurs de droits de vote. En outre, le vote électronique permet de réduire l’empreinte carbone des assemblées, conforte l’image moderne des sociétés et rentre dans l’objectif plus globale de leur digitalisation.

Concernant enfin le vote par correspondance (art. R. 225-76 du Code de commerce), à compter de la convocation de l’assemblée, tout actionnaire peut demander par écrit à la société de lui adresser, le cas échéant par voie électronique, un formulaire de vote à distance.

En résumé, les conditions requises pour une dématérialisation des AGO ne sont pas insurmontables en pratique. Mais encore faut-il agir très vite pour être prêt pour ce printemps, et surtout disposer des statuts qui permettent le vote en ligne, ce qui n’est toujours pas le cas.

Quelle a été la réaction des pouvoirs publics face à cette situation complexe ?

Les aménagements prévus pour faire face à l’urgence sanitaire

Dans un communiqué du 6 mars dernier, l’Autorité des marchés financiers (AMF) a rappelé aux actionnaires des sociétés cotées qu’ils pouvaient participer aux AG sans s’y trouver physiquement et poser des questions écrites (C.com., art. L. 225-108). L’AMF conseille aussi aux émetteurs cotés de retransmettre en direct leur AG sur leur site internet et de communiquer largement au sujet des risques liés à la crise sanitaire en cours.

Si la société n’a pas mis en place des moyens dématérialisés de convocation, de consultation et de délibération, l’ordonnance n° 2020-321 du 25 mars 2020 assouplit les règles légales en prévoyant la possibilité de tenir des AG hors la présence physique des associés, peu importe que les statuts ne l’aient pas prévu… ou qu’ils l’aient exclu.

Si la convocation a déjà été faite mais que la réunion ne peut pas avoir lieu comme prévu, alors l’organe compétent peut décider de la tenue d’une nouvelle AG (dématérialisée, le cas échéant) sans renouveler les formalités de convocation et en prenant soin de prévenir les associés au moins 3 jours ouvrés avant la date de l‘AG, par tous moyens permettant d'assurer leur information effective (notamment par mail), y compris s’agissant des conditions dans lesquelles ils pourront exercer leurs droits.

Le quorum et la majorité peuvent être calculés par rapport aux associés présents en visio conférence ou par conférence téléphonique.

Ces dispositions sont applicables quel que soit l'objet de la décision sur laquelle l'assemblée est appelée à statuer et s’appliquent aux AG prévues pour se tenir entre le 12 mars 2020 et jusqu'au 31 juillet 2020, sauf prorogation par décret.

Ce dispositif exceptionnel est bienvenu puisqu’il permet aux assemblées d’actionnaires de délibérer sans attendre et d'assurer ainsi la continuité du fonctionnement et de l’activité de la société

Katrin DECKERT
Maître de conférences à l’Université Paris Nanterre

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