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Quand les produits se transforment en services

La révolution silencieuse des modèles serviciels

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Disposer d’un objet sans en être propriétaire ou locataire ? Ne payer d’une prestation ou d’un produit que ce qu’on en utilise effectivement ? Autant de modes de consommation déjà ancrés dans les habitudes. Il suffit de songer aux impressions papier acquises sans posséder pour autant une photocopieuse ou à l’électricité payée en fonction de la seule consommation.

Une révolution à bas bruit est en cours : celle de l'économie servicielle. Elle conduira à un développement considérable de ces pratiques. L’expression est encore peu connue. Et pourtant… c’est elle qui désigne le fait de profiter de produits ou de services uniquement en payant l’usage réel qu’on en a ou les résultats qu’on en attend.

La CCI Paris Ile-de-France qui anticipe depuis plusieurs années ces changements publie aujourd’hui une nouvelle étude sur l’économie servicielle. Celle-ci s’accompagne d’un vade mecum des pratiques existantes. Un travail inédit, du moins en français, qui doit nous interpeller sur cette révolution silencieuse.

Cette étude est téléchargeable au format pdf en bas de page

 

Quand l'usage remplace la propriété

Schématiquement, il existe aujourd’hui quatre manières de bénéficier d’un bien. Les trois premières sont bien connues.

  • Achat : obtention d’un bien contre un paiement.
  • Leasing : location de biens d'équipement ou d’immobilier avec possibilité d'acquérir tout ou partie des biens loués.
  • Location : utilisation d’un bien sans en être propriétaire.

La quatrième consiste à vendre un usage ou une performance d’usage (les résultats que ces biens permettent d’atteindre) plutôt que le bien lui-même. On appelle ce mode « en tant que service » (“as a service”) ou serviciel.

Un mouvement renforcé par la crise sanitaire comme le montre l’explosion des solutions d’abonnement (Neflixisation de l’économie) – qui a notamment conduit à consommer différemment – mais un mouvement qui était déjà en action.

Dans des univers aussi divers que les moteurs d’avions, l’impression/photocopie, les véhicules routiers ou les machines à café, les clients ont l’habitude d’accéder aux biens, aux machines et aux systèmes sans les acheter mais en payant seulement leur utilisation.

pionniers du paiement
 

Comment les usages ont avancé avec la pandémie

Aujourd’hui, de nouvelles applications existent ou sont expérimentées : des restaurateurs paient l’eau plate ou gazeuse consommée par leurs clients sans en payer la bouteille ou le transport jusqu’à leur établissement. Citons également le particulier dont la liste de courses alimentaires peut être établie selon le remplissage de son réfrigérateur.

Infographie vendre un usage

 

Ces exemples ne sont que la face visible d’un iceberg. Les applications “as a service” sont innombrables et, pour certaines, à imaginer. C’est l’objet du vade mecum que la CCI Paris Ile-de-France a rédigé (à télécharger en bas de cette page).

Durant et après la pandémie, plusieurs facteurs ont contribué à des avancées même si celles-ci restent différenciées selon les secteurs.

  • Les innovations relevant de l’expérience-client ont été un puissant facteur d’impulsion de l’alimentation en tant que service.
  • La concurrence stimule le passage à des modèles plus serviciels dans l’immobilier de bureau ou la micro-mobilité.
  • La digitalisation des TPE-PME et d’autres fonctions d’entreprise (supply chain par exemple) a généralisé les solutions servicielles dans l’informatique où le “Software as a Service” (SaaS) est déjà la norme.
  • L’industrie 4.0, en connectant l’outil de production, conduit les fabricants et les équipementiers à vendre encore plus de services.

Les avancées sont également variables selon les entreprises. Certaines entreprises ont profité de la crise pour accélérer ou basculer dans des modèles serviciels : des pionniers tels que Michelin ou Schneider Electric jusqu’au adopteurs plus tardifs comme Accor, Sncf en passant par les constructeurs automobiles qui ont parfois investi depuis longtemps dans le serviciel comme forme de diversification de leurs activités avant d’en faire véritablement un axe de transformation.

Payer selon l'usage, réponse à la crise actuelle ?

Inflation, baisse du pouvoir d’achat, hausse du coût des matières premières réduisant les marges des entreprises… autant de facteurs qui poussent à l’efficacité accrue des machines et à l’allocation optimale des ressources chez les particuliers ou les entreprises.

citation JCH
 

Aujourd’hui, alors que les entreprises manquent de cash, acquérir des équipements sous la forme d’un service est pertinent : au bilan comptable, cela leur évite d’immobiliser de l’argent puisque l’équipement est considéré comme une dépense courante (OPEX).

Les modèles serviciels permettent de disposer de capacités de chauffage, de climatisation, d’éclairage, de fabrication… sans investissements importants dans les infrastructures. En outre, l’entreprise-cliente ne supporte pas le risque lié à la performance de l’infrastructure.

Par ailleurs, cela permet d’avoir des revenus récurrents, ce qui est précieux dans un contexte d’incertitude voire de recul de la demande.

tableau service gagnant gagnant


Les modèles serviciels contribuent, enfin, à la transition environnementale et l’impératif de décarbonation. En effet, ils permettent d’optimiser les ressources en réduisant les consommations. Les fournisseurs sont incités à concevoir des équipements durables et prolonger leur durée de vie par une maintenance prédictive. La circularité est dans l’ADN des modèles serviciels à condition de ne pas pousser les renouvellements technologiques.

Citation PG
 

L’économie du “tout en tant que service” a de beaux jours devant elle.

Des modèles économiques à écrire...

Mais la logique servicielle implique un bouleversement des modèles économiques. Ce qui est lourd de conséquences pour les entreprises qui doivent envisager des postures inédites en s’interrogeant sur les nouvelles sources de valeur, les modalités de gains financiers, les transformations organisationnelles nécessaires… On est encore dans une “terra incognita” où il faut imaginer des business models innovants.

Un horizon prometteur mais pas parfois complexe, en particulier pour les PME : il existe, en effet, nombre d’étapes à franchir dans le passage d’un modèle de vente à un modèle serviciel.

  • La logique largement dominante des biens tangibles. Il est encore difficilement concevable dans de nombreux secteurs de ne pas être propriétaire du bien qu’on utilise. Les mentalités doivent évoluer. Ainsi peut-il paraître étrange de ne pas posséder l’aspirateur dont on aurait besoin.
  • La difficulté à récupérer des données pour faire fonctionner les modèles serviciels. Les clients ne sont pas toujours ouverts à une communication trop importante de leurs données d’usage et les réglementations nationales sont d’ailleurs un frein potentiel.
  • La mise en place souvent complexe de nouveaux modèles de revenus. C’est là un des problèmes majeurs : les revenus découlant de la vente de services ne sont pas aussi immédiats que ceux découlant de la vente de biens.
Le modèle du poisson
 

Parce que comprendre les codes de ces modèles n’est pas toujours aisé, la CCI Paris Ile-de-France a décrypté plusieurs segments serviciels sous la forme d’un vade mecum. Un document riche qui souligne combien les perspectives sont exponentielles. La révolution est silencieuse mais elle est clairement en marche.

Reste à effectuer un travail de sensibilisation, de pédagogie et d’accompagnement des entreprises dans cette mutation.

Interview de Michel Laurent, élu membre de la CCI Paris Ile-de-France sur la révolution silencieuse de l'économie servicielle

 

 

Retour presse :

Pilotage : Jean-Charles Herrenschmidt et Philippe Goetzmann
Auteur : Corinne Vadcar

juillet 2022

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