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Comment résoudre le paradoxe des emplois non pourvus ?

Agir sur les politiques d’orientation, de recrutement et de l’emploi

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De plus en plus de secteurs tirent la sonnette d’alarme : ils peinent à recruter et sont parfois obligés de freiner leur activité ou leur développement commercial faute de collaborateurs. Ce sont désormais des centaines de milliers d’emplois qui ne trouvent pas preneurs ! Une situation difficilement compréhensible alors même que l’économie a besoin de reprendre son élan.

Cette étude est téléchargeable au format pdf en bas de page

 

Emplois durablement vacants, difficultés de recrutement : de quoi parle-t-on ?

Certains observateurs sont tentés de mettre en regard le chiffre des annonces sans candidat avec celui des chômeurs… ce serait bien sûr trop simpliste.

Il existe une définition objective de l’emploi vacant. Elle a été établie par la Dares (Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques du Ministère du travail) : Les emplois « vacants », ou « postes à pourvoir » (job vacancies), sont des postes libres, nouvellement créés ou inoccupés, ou encore occupés et sur le point de se libérer, pour lesquels des démarches actives sont faites pour trouver le candidat convenable, dans les seules entreprises de moins de 10 salariés.

Parallèlement, les employeurs déclarent chaque année à Pôle emploi leurs difficultés de recrutement.

 Ces données sont combinées dans un indicateur des tensions sur le marché du travail qui permet d’établir :

  • La persistance ancienne et aux causes variées de tensions dans certains secteurs d’activité (industrie, informatique, bâtiment, aide à la personne) ;
  • L’apparition avec la crise sanitaire, économique et sociale de tensions dans de nouveaux secteurs (hôtellerie-restauration, transport, coiffure…) principalement en raison de la volonté des salariés de rompre avec des horaires et conditions de travail contraignants.

Cet indicateur permet surtout d’établir une liste de métiers en tension selon plusieurs critères :

  • Ce métier est grandement demandé ;
  • Il appelle une formation spécialisée ;
  • Peu d’actifs disposant de cette formation sont disponibles sur le marché du travail ;
  • Les salariés disponibles ne sont pas prêts à accepter un emploi dans les régions qui en recherchent.

Reste que la coexistence d’un nombre élevé d’emplois non pourvus et d’un chômage structurel important démontre le difficile appariement entre offre et demande d’emploi.

Paradoxe
 

Agir sur les politiques d'orientation

Une question est essentielle si l’on veut dans un avenir plus ou moins proche diminuer le nombre de métiers en tension : Comment améliorer en amont du marché du travail les process d’orientation professionnelle vers ces métiers ?

L’orientation professionnelle ne peut pas être coercitive ni prescriptive. Les organismes qui en sont chargés interdisent de faire œuvre de prescription. Les organismes chargés de l’orientation professionnelle ne peuvent pas dire aux personnes qui viennent les voir ce qu’elles doivent faire, les formations qu’elles doivent suivre ou encore les métiers qu’elles doivent viser. Ils sont là pour les aider à s’orienter par elles-mêmes. C’est à elles de faire leurs propres choix. Il n’est donc pas possible de recommander à une personne un métier au seul motif qu’il est en tension.

D’autres leviers pourraient en revanche être activés. À commencer par une meilleure information sur les métiers en tension. Pourquoi ne pas développer auprès de publics identifiés une information collective sur les métiers en tension, notamment dans le cadre de l’orientation initiale et de la reconversion professionnelle ? Ce pourrait être l’occasion de faire témoigner des professionnels exerçant dans ces métiers.

D’ores et déjà des vidéos présentant certains métiers de façon vivante et valorisante existent. Mais les initiatives sont encore trop peu nombreuses et éparses, d’autant que les métiers en tension ne sont pas les mêmes d’un territoire à l’autre. La mise en place d’une plateforme numérique, mutualisant les contenus régionaux, permettrait la réalisation et la diffusion à plus grande échelle de telles vidéos. Cette piste doit être creusée.

Enfin, agir sur les politiques d’orientation passe par l’encouragement des opérateurs de la formation professionnelle à développer des programmes dédiés aux métiers en tension.

Agir sur les politiques de recrutement

De nombreux secteurs d’activité pâtissent d’un déficit d’attractivité entraînant un faible nombre de candidatures et un turn-over élevé sur les postes concernés. Pourquoi ce déficit ? Il s’explique par des facteurs objectifs (horaires atypiques, insuffisance de perspective d’évolution, organisation du travail favorisant la succession de contrats courts…) et d’autres subjectifs (manque de connaissance ou de visibilité de certains métiers).

Résultat : les jeunes s’orientent peu vers ces métiers et les collaborateurs en place s’engagent peu dans l’entreprise, entrainant de nombreux départs précoces.

Des remèdes d’application immédiate existent : revalorisation des rémunérations, aménagement des conditions de travail… mais cela ne suffit pas toujours. Il faut désormais recruter différent, recruter autrement. Il faut oser ! Oser les politiques de recrutement disruptives (stand-up de l’emploi, job datings, « recrutement de rue »…). Oser aussi le ciblage des candidats en recherche passive (en poste et pas nécessairement en recherche de nouvelles opportunités) : oser aller les solliciter, oser les transformer de candidats passifs en candidats réceptifs.

Il est temps également d’intégrer pleinement les soft skills et les compétences dites transférables aux réflexions des recruteurs. Sachons dépasser le prisme du seul diplôme et des compétences pour s’attacher aux compétences transversales et comportementales. Cela implique pour l’employeur de dresser une cartographie des savoir-faire et savoir-être des métiers qu’il propose puis d’identifier les compétences transférables et les passerelles possibles d’un métier à l’autre. Un travail initial certes important mais aux bénéfices rapidement évidents.

citation rangan
 

Évidemment les recruteurs ne peuvent être seuls à la manœuvre. Il faut les accompagner. Cela signifie, par exemple, de revoir les critères de pré-selection des candidats de la plateforme de Pôle emploi pour qu’ils soient au plus proches des besoins des entreprises. Cela implique également de rendre obligatoire la diffusion des profils de demandeurs d’emploi indemnisés sur la banque de profils de Pôle emploi (nécessaire pour être repéré par les recruteurs et favoriser le retour à l’emploi).

Autre piste d’action pour professionnaliser le recrutement des PME : prévoir des modalités dérogatoires de l’aide à la prestation RH plus favorables pour les entreprises rencontrant des difficultés de recrutement dans le champ des métiers en tension.

Agir sur les politiques de l'emploi

Les politiques de l’emploi recouvrent toutes les interventions publiques sur le marché du travail visant à en améliorer le fonctionnement, à accroître ou préserver l’emploi, à réduire le chômage et les discriminations à l’embauche.

Parmi les mesures récentes, figure le « Plan de réduction des tensions de recrutement » des entreprises doté de 1,4 milliard d’€ sur 2 ans (2021-2022). Y figure notamment le versement d’une prime à l’embauche de 8000 € pour tout contrat conclu avec un demandeur d’emploi de longue durée de plus de 30 ans.

Ces politiques de l’emploi visent bien sûr, de longue date, les seniors. On connait la spécificité française par rapport à ses voisins européens : les seniors sont plus au chômage que le reste de la population active et le sont durablement. Si leur situation s’est améliorée, elle peut l’être encore davantage. Clairement, le retour à l’emploi des seniors peut constituer une piste pour lutter contre les difficultés de recrutement. On pourrait ici envisager une politique active d’aide à l’embauche sous la forme :

  • soit d’une aide directe, associée le cas échéant à un contrat de travail spécifique réservé à certains salariés seniors ;
  • soit d’un allègement de charges sociales quel que soit le niveau de salaire du senior embauché.

Aux côtés des seniors, existe un autre vivier de compétences : les étrangers. Mais des règles d’emploi parfois trop contraignantes limitent les possibilités de recourir à ces salariés. On pourrait, par exemple, imaginer qu’en cas de modification du contrat de travail chez un même employeur, l’obligation de demande d’une nouvelle autorisation de travail soit supprimée. De même, il faudrait étendre, automatiquement et pour des opérations ponctuelles, la zone d’activité autorisée du travailleur étranger aux départements limitrophes et à toutes les zones d’intervention de l’entreprise.

 

On en parle :

 

Rapporteur : Myriam Rangan
Experts : Aurélie Marseille, Marc Canaple

 

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