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Conséquences pour la caution omnibus d’une fusion opérée par le débiteur garanti

Lettre CREDA-sociétés 2018-08 du 30 mai 2018

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Lorsque le débiteur accepte de se porter caution pour "l'ensemble des engagements de la société", son obligation de paiement s'étend aux dettes des sociétés absorbées postérieurement à la conclusion du contrat de cautionnement.

 

Cette lettre est téléchargeable au format pdf en bas de page

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Les obligations de la caution résistent-elles à la fusion de l’un des acteurs de cette opération tripartite ?

A plusieurs reprises la Cour de cassation s’est positionnée lorsque s’opérait un changement de débiteur ou de créancier par le jeu des articles L. 236-1 et suivants du Code de commerce. Lorsque le débiteur (Cass. com., 21 janvier 2003 ; Cass. com., 8 novembre 2005), ou le créancier (Cass. civ 1ère, 28 septembre 2004 ; Cass. com., 30 juin 2009) se fait absorber, la Cour de cassation retient le maintien de l’obligation de règlement de la part de la caution et – sauf volonté contraire expresse de sa part – l’extinction de l’obligation de couverture, suivant en cela la théorie de Mouly.

Mais pas une fois la Cour n’a eu à connaître de la permanence des obligations de la caution lorsque le débiteur absorbe une autre société. Dans une telle hypothèse, le créancier est-il en droit de demander à la caution le paiement des dettes de la société absorbée, en raison du cautionnement des dettes de la société absorbante ?

La chambre commerciale a répondu à cette question, dans un arrêt du 28 février 2018, qui a les honneurs d’une diffusion sur le site internet de la Cour de cassation.

En l’espèce, une banque s’est vu garantir sa créance née d’une ouverture de crédit et d’une ligne d’escompte consenties à une société par un cautionnement de la part du gérant de cette dernière. Cette sûreté portait sur « l’ensemble des engagements de la société », mais était limitée à un montant déterminé et à une durée limitée. Il s’agissait donc d’un cautionnement de dettes présentes et futures, mais limité dans ses modalités. La société garantie absorbe par la suite deux autres sociétés, qui bénéficiaient, à elles deux, de cinq crédits consentis par la même banque.

Après exigibilité anticipée des crédits accordés aux sociétés absorbées du fait de leur dissolution et mise en liquidation judiciaire de la société débitrice, la banque exige le paiement du montant maximal prévu par le cautionnement, au titre des dettes propres de la société absorbante et des dettes des sociétés qu’elle a absorbées.

La caution lui oppose deux moyens de défense :

Le manquement au devoir de mise en garde de la part de la banque.

Ce point est rejeté par la Cour d’appel comme par la chambre commerciale, au motif que la banque « n’a pas l’obligation d’informer la caution (…) des conséquences de la transmission universelle des patrimoines d’autres sociétés à la société garantie qui les a absorbées ».

Cette solution est justifiée, bien que cela ne ressorte pas expressément, par la qualité de la caution. Celle-ci étant le gérant de la société débitrice et sans doute compétente pour mesurer la portée de son engagement elle peut être considérée comme caution avertie, et n’est donc pas recevable à invoquer un quelconque manquement au devoir de mise en garde de la part de la banque créancière (Cass. com., 22 mars 2016 ; Cass. com., 18 janvier 2017).

La limitation de son obligation de paiement aux seules dettes de la société absorbante.

C’est sur ce point que l’arrêt commenté attire l’attention.

Deux textes pouvaient permettre de justifier une solution :

  • D’une part, l’article 2292 du Code civil qui dispose que le cautionnement ne peut être étendu au-delà des limites dans lesquelles il a été consenti. C’est ce que faisait valoir la caution, arguant qu’elle entendait garantir les dettes de la société garantie, et non pas celles des sociétés absorbées ;
  • D’autre part, l’article L. 236-3 du Code de commerce, aux termes duquel la fusion-absorption entraîne transmission universelle du patrimoine de la société absorbée à la société absorbante.

La Cour relève que, en application de ce dernier article, la « dissolution sans liquidation [des sociétés absorbées] a entraîné la transmission universelle de leur patrimoine à la société [absorbante] », en ce compris les dettes à l’égard de leur créancier commun. Est-ce alors à dire alors que cette solution méconnait l’article 2292 du Code civil en étendant le cautionnement au-delà des termes pour lesquels il a été consenti ?

La réponse doit être négative, en raison des termes mêmes du contrat de cautionnement.

Celui-ci porte sur « l’ensemble des engagements de la société », présents et à venir au moment de la conclusion du contrat. Il s’agit donc d’un cautionnement omnibus. Or, en raison de l’effet dévolutif de la fusion, les créances et les dettes des sociétés absorbées ont intégré le patrimoine de la société absorbante, devenant les siennes. Le cautionnement peut – et doit – porter sur ces dettes faisant partie du patrimoine de la société absorbante, et ce même si cette dernière n’est pas à l’origine de leur conclusion.

Les dettes étant devenues celles de la société garantie, la solution retenue par la chambre commerciale ne méconnait pas les termes de l’article 2292 du Code civil, et ne fait, au contraire, que respecter la lettre du contrat de cautionnement. Les seules limites posées par ce contrat – quant à la durée et au montant de l’engagement de la caution – ont bel et bien été respectées par la décision des juges du fond.

Cette solution, d’une logique implacable, est donc justifiée à la fois en raison de l’effet dévolutif de la fusion-absorption et de la lettre du contrat de cautionnement ayant été accordé.

A contrario, si le cautionnement avait été rédigé autrement, la solution eût pu être différente. Par exemple, si le contrat n’avait porté que sur les dettes dont le fait générateur était survenu au moment de sa conclusion, les dettes des sociétés absorbées n’auraient pas été couvertes par le cautionnement, l’article 2292 du Code civil prévalant sur toute autre considération.

Il conviendra alors aux cautions garantissant les dettes d’une société de prêter une particulière attention aux termes de leurs contrats de cautionnement de dettes futures, afin d’éviter d’être redevables de dettes devenant celles du débiteur garanti par le jeu de la dévolution universelle.

 

Matthieu Zolomian
Maître de conférences à l’Université Jean Monnet

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