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Anticipant l’adoption de la future loi « Pacte », l’AFEP et le MEDEF révisent leur code de gouvernement d’entreprise

Lettre CREDA-sociétés 2018-11 du 4 juillet 2018

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Cette nouvelle révision du code de gouvernement d'entreprise des sociétés cotées introduit de nouvelles avancées sur la gouvernance.

 

Cette lettre est téléchargeable au format pdf en bas de page

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Les praticiens du droit des sociétés connaissent l’importance des codes de gouvernement d’entreprise. Le premier code mondialement reconnu a été celui publié au Royaume-Uni en 1992 sous la direction de Sir Adrian Cadbury (« Cadbury Code ») ; une nouvelle édition du Code (« UK Corporate Governance Code ») a été rédigée ensuite par le Financial Reporting Council et est devenue applicable le 1er juin 2010.

Aujourd’hui, la majorité des pays disposent d’au moins un code (certains ont même adopté plusieurs codes en la matière, applicables à certains secteurs spécifiques ou certaines catégories d’entreprises, etc., à tel point qu’on parle parfois même d’une « inflation des codes »), souvent inspirés du code du Royaume-Uni. Les « Principes de gouvernance d’entreprise » du G20 et de l’OCDE présentent certainement un autre standard international en la matière.

En France, la réflexion sur le gouvernement d’entreprise s’est développée dans les années 1990, à la suite de certaines affaires dans les secteurs de la banque et de l’assurance. Plus précisément, ont été d’abord adoptés successivement : le rapport CNPF/AFEP de juillet 1995 (rapport Viénot I) sur le conseil d’administration des sociétés cotées ; le rapport Viénot II de décembre 1998 sur le gouvernement d’entreprise ; et le rapport AFEP-MEDEF d’octobre 2003 (rapport Bouton) sur le gouvernement d’entreprise des sociétés cotées. Ensuite, le Code de gouvernement d’entreprise des sociétés cotées de l’AFEP-MEDEF, qui est aujourd’hui le code de référence en la matière, a été créé en 2008 ; puis le Code Middlenext a été établi, également par une association professionnelle, en décembre 2009, pour les valeurs moyennes et petites.

Le code de gouvernement d’entreprise n’a pas valeur législative en France, et il n’est donc pas obligatoire, les sociétés cotées choisissant volontairement de s’y soumettre, à la différence de beaucoup d’autres pays. En effet, la loi exige simplement une déclaration de gouvernement d’entreprise, sur la base de la règle « se conformer (ou appliquer) ou s’expliquer » (« comply or explain »), qui doit indiquer si la société est soumise ou non à un code de gouvernement d’entreprise et, le cas échéant, auquel, ainsi que les raisons pour lesquelles elle ne l’applique pas (entièrement ou en partie). En réalité, plusieurs facteurs contribuent à faire passer progressivement cet ensemble de « recommandations » de la sphère de la soft law à celle du droit contraignant, la hard law, pour devenir presque une loi (pression par les pairs, réputation, etc.).

Par ailleurs, un Haut comité du gouvernement d’entreprise a été constitué en septembre 2013 pour assurer le suivi du Code AFEP-MEDEF. Ce comité est non seulement gardien du respect de l’application de ce code mais il lui appartient aussi de proposer des mises à jour du Code. Sur le dispositif de contrôle, il faut aussi évoquer le rôle joué par l’AMF, qui est attentive à la manière dont les sociétés mettent en œuvre les recommandations de ce Code.

Le Code AFEP-MEDEF est régulièrement révisé afin d’y intégrer les meilleures pratiques, réagir aux évolutions législatives, voire à des crises, affaires ou scandales, dont on connaît l’influence sur la création des règles de droit. Sa dernière version, publiée en juin 2018 vient se substituer à la précédente version datant de novembre 2016.

La rémunération des clauses de non-concurrence

Les conditions financières du départ de l’ancien PDG de Carrefour, Georges Plassat, et en particulier l’indemnisation de sa clause de non-concurrence ont suscité une polémique qui a incité l’AFEP et le MEDEF à être désormais plus stricts sur ce point sensible. Ainsi, la rémunération des clauses de non-concurrence des dirigeants a été soumise à de nouvelles exigences. « La conclusion d'un accord de non-concurrence au moment du départ du dirigeant doit être exclue » ont précisé les organisations patronales dans un communiqué conjoint listant les principales évolutions de leur code. « Pour les clauses préexistantes, l’indemnité ne saurait être versée en cas de départ à la retraite et au-delà d’une limite d'âge que le code fixe à 65 ans » ont-elles ajouté. Ensuite, l’attribution d’indemnités de départ et d’une pension surcomplémentaire est désormais soumise à des conditions de « performance quantifiable », établies quand le dirigeant devient mandataire social. A cela s’ajoute un plafond des indemnités de départ, soit deux ans de rémunération fixe et variable.

Mais c’est sans doute aussi et surtout le projet de loi Pacte, présenté en conseil des Ministres le 18 juin dernier, qui a incité les rédacteurs du Code AFEP-MEDEF à effectuer quelques changements non négligeables.

Les missions du conseil d’administration en matière de RSE

En tête des missions du conseil d’administration figure désormais son rôle en matière de responsabilité sociale et environnementale (RSE) : le conseil doit s’attacher à « promouvoir la création de valeur par l’entreprise à long terme en considérant les enjeux sociaux et environnementaux de ses activités » (art. 1.1 modifié). Ainsi, il examine régulièrement les opportunités et les risques pris par l’entreprise, notamment dans les domaines financier, juridique, social et environnemental, ainsi que les mesures adoptées en conséquence (art. 1.5 modifié). Ces ajouts paraphrasent presque les modifications de l’article 1833 du Code civil (art. 61), prévues par la loi Pacte :

« 1° L’article 1833 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La société est gérée dans son intérêt social et en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité. »

Par ailleurs, les sociétés doivent désormais établir une présentation annuelle d’un rapport sur le respect des engagements sociaux et environnementaux.

Des telles modifications sont loin d’être anodines : l’AFEP et le MEDEF ont une large préférence pour la « soft law » et l’autorégulation et veulent éviter d’inscrire dans la loi (hard law) de nouvelles obligations en matière de gouvernement d’entreprises. Le gouvernement est cependant décidé à légiférer, et notamment à faire entrer la RSE dans le Code civil et le Code de commerce.

Les administrateurs représentant les salariés

Une autre modification importante concerne les administrateurs représentant les salariés, également un sujet phare de la loi Pacte qui prévoit d’augmenter leur nombre dans les conseils d’administration. De son côté, le Code AFEP-MEDEF révisé recommande que ces administrateurs soient nommés dans les sociétés mères, soumises au code, et non plus dans de simples filiales, un moyen d’assurer une représentation des administrateurs salariés là où se prennent les décisions stratégiques au sein d’un groupe.

Entre autres changements notables, on retiendra encore :

  • l’interdiction faite à l’administrateur en situation de conflit d’intérêts, non plus seulement de s’abstenir de participer au vote de la délibération, mais d’assister au débat précédant le vote sur cette situation ;
  • le renforcement de l’égalité femmes-hommes dans la direction ;
  • les engagements plus précis des dirigeants pour favoriser l’égalité salariale et l’intégration des minorités ;
  • le possible recours au « name and shame », c’est-à-dire le fait, pour le Haut comité, de rendre public le contenu de la lettre qu’il peut adresser à une société lorsqu’elle ne respecte pas les recommandations du Code sans justification suffisante ; il s’agit d’une forme de sanction très efficace en pratique.

Ces modifications vont dans le bon sens car elles tendent à renforcer la bonne gouvernance des sociétés, ce qui est dans l’air du temps. Mais ce qui est peut-être le plus remarquable ici réside dans ce constat qu’il y a souvent une anticipation dans la soft law de ce que pourrait être demain la hard law

Katrin DECKERT
Maître de conférences en droit privé à l’Université Paris-Nanterre

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