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Reporting extra-financier : la Directive CSRD en vue !

Lettre CREDA-sociétés 2022-10 du 4 juillet 2022

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Alors que la présidence française du Conseil de l’Union Européenne touchait à sa fin, un communiqué de presse a annoncé un accord politique entre le Conseil et le Parlement européen, ouvrant la voie à la concrétisation de la proposition de directive relative à la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises (Corporate sustainability reporting directive).

 

Cette lettre est téléchargeable au format pdf en bas de page

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Cette proposition de directive, qui fait partie du pacte vert pour l’Europe, envisage de renforcer les règles relatives à la communication d’informations non-financières et d’unifier les meilleures pratiques en cette matière. Ayant vocation à modifier trois directives – la Directive 2013/34/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative aux états financiers annuels, aux états financiers consolidés et aux rapports y afférents de certaines formes d'entreprises, la Directive 2004/109/CE du Parlement européen et du Conseil du 15 décembre 2004 sur l'harmonisation des obligations de transparence concernant l'information sur les émetteurs dont les valeurs mobilières sont admises à la négociation sur un marché réglementé et la Directive 2006/43/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 mai 2006 concernant les contrôles légaux des comptes annuels et des comptes consolidés – la proposition de directive crée de nouvelles obligations de publication d’une part, visant de nombreuses sociétés d’autre part.

Les futures obligations de publicité

La proposition de directive, qui a notamment pour objectif de lutter contre le greenwashing, va modifier l’article 19 bis de la directive 2013/34/UE et imposer la publication dans le rapport de gestion d’informations en matière de durabilité, c’est-à-dire intéressant principalement les questions des droits environnementaux, sociaux, des droits de l'homme et des facteurs de gouvernance. Parmi ces futures publications, on peut citer :

  • une brève description du modèle et de la stratégie économiques de l’entreprise, indiquant notamment le degré de résilience du modèle et de la stratégie économiques de l’entreprise face aux risques liés aux questions de durabilité ou encore les plans définis par l'entreprise pour garantir la compatibilité de son modèle et de sa stratégie économiques avec la transition vers une économie durable et avec la limitation du réchauffement planétaire à 1,5 °C conformément à l'accord de Paris ;
  • une description des objectifs relatifs aux questions de durabilité que s'est fixés l'entreprise et des progrès de l'entreprise dans la réalisation de ces objectifs ;
  • une description des politiques de l'entreprise en ce qui concerne les questions de durabilité.

Ces exemples démontrent la volonté de l’Union Européenne de développer la diffusion d’informations non-financières de la part des sociétés et des groupes. Dans ce dernier cas, la filiale d’une société consolidante ne sera pas soumise à l’obligation de publication.

Au-delà du renforcement de ce reporting extra-financier, la proposition de directive envisage un meilleur traitement de ces données par leurs destinataires, c’est-à-dire les actionnaires et les investisseurs. En effet, il est peu efficace d’imposer la publication de ces données lorsque celles-ci sont difficilement exploitables. La proposition de directive prévoit donc trois moyens permettant une meilleure accessibilité, et ainsi une lecture plus aisée, de ces données :

  • tout d’abord par une localisation précise au sein du rapport de gestion. La proposition de directive affirme ainsi que « ces informations sont clairement identifiables dans une section spécifique du rapport de gestion ». En les regroupant dans une section qui leur serait spécialement dédiée, les informations relatives à la durabilité seraient plus facilement exploitables ;
  • ensuite, par une normalisation de leur présentation. La proposition de directive renvoie au pouvoir normatif de la Commission pour fixer des normes d’information en matière de durabilité et donc déterminer un mode de publication. La Commission a d’ores et déjà missionné le Groupe consultatif européen sur l'information financière (European Financial Reporting Advisory Group, EFRAG) afin de l’assister dans cette mission. Une consultation publique à ce sujet, conduite par l’EFRAG, est actuellement en cours ;
  • enfin, par leur certification. La proposition de directive impose une certification du rapport de durabilité par un auditeur spécialement qualifié à compter de 2024, ou à défaut par un certificateur indépendant. Conformément à la conception classique d’une activité d’audit, le certificateur n’assure pas de la véracité des informations soumises à son regard, mais de leur régularité et de leur conformité.

Un champ d’application étendu

Toutes les sociétés ne seront toutefois pas soumises à ces obligations. En effet, seront soumises à la rédaction du rapport de durabilité :

  • les grandes entreprises, qui dépassent deux des trois seuils suivants : total de bilan supérieur à 20 000 000 euros, un chiffre d’affaires net supérieur à 40 000 000 euros et un nombre de salariés moyen supérieur à 250. Contrairement aux textes actuellement en vigueur, il n’est pas exigé que ces grandes entreprises soient des entités d’intérêt public, c’est-à-dire singulièrement des sociétés cotées ;
  • les petites et moyennes entreprises qui sont des entités d’intérêt public. Il s’agirait là d’une grande innovation en droit de l’Union européenne, les petites et moyennes entreprises – mêmes cotées – ayant jusqu’à présent été épargnées de toute publication non-financière. Il serait toutefois possible à ces PME cotées de limiter la communication d’informations relatives à la durabilité, à titre transitoire, et uniquement si elles en font la demande, selon une procédure d’opt out.

Un temps d’adaptation contraint

La proposition de directive imposerait donc une modification rapide de notre droit national, substantiellement modifié quant aux informations diffusées et quant aux sociétés concernées, la diffusion d’informations non financières en France étant réservée aux sociétés anonymes dépassant 100 millions d'euros de total de bilan, 100 millions d'euros de chiffre d'affaires et 500 salariés permanents (articles L. 225-102-1 et R. 225-104 du Code de commerce). L’adaptation devra être rapide, car la proposition de directive prévoit une application de ce nouveau rapport de durabilité en trois temps :

  • à compter du 1er janvier 2024 pour les sociétés déjà soumises à la diffusion d’informations non financières, soit les grandes entreprises répondant à la qualité d’entité d’intérêt public ;
  •  à compter du 1er janvier 2025 pour les autres grandes entreprises
  • à compter du 1er janvier 2026 pour les PME cotées.

Le temps presse donc. Reste à savoir pour qui la contrainte temporelle est la plus pressante : les parlementaires européens devant statuer sur cette proposition de directive, les législateurs nationaux qui auront à la transposer, ou les sociétés, qui auront à s’y conformer…

Matthieu Zolomian
Maître de conférences à l’Université Jean Monnet

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